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Entretien avec Jeanne Brouaye
Rencontre avec la danseuse, chorégraphe, plasticienne, comédienne et chanteuse, Jeanne Brouaye qui explique l’origine de sa pièce Á voix et à mains nues, créée à l'Atelier de Paris en 2022. A voir ou revoir au festival Artdanthé le 14 mars prochain.
Danser Canal Historique : Votre parcours prouve que vous êtes nourrie par plusieurs arts, lesquels ?
Jeanne Brouaye : Tout d’abord le théâtre car après l’ENSATT j’ai intégré la troupe permanente du TNP de Villeurbanne dirigée par Christian Schiaretti tout en pratiquant la danse. Puis, je suis partie à la recherche d‘approches plus transversales en me formant aux Etats-Unis à la technique du View point, au yoga et à la danse contact. Ensuite, j’ai été l'interprète d’Olivia Grandville et d’autres chorégraphes durant six ans.
DCH : Quel a été le déclic qui vous a poussé à devenir chorégraphe ?
Jeanne Brouaye : Je sentais qu’il fallait me lancer dans mon propre langage en définissant comment j’allais réapparaitre et qu’apporter sur le plateau en synthétisant mes différentes pratiques. Et très naturellement, c’est dans le champ chorégraphique que j’ai trouvé ma place. J’aime travailler avec la matière, donc faire avec ce qu’on a, soit récupérer des tasseaux de bois, de la laine, du prêt-à-porter, toutes sortes d’objets de l’industrie capitaliste collectés jour après jour.
DCH : Á voix et à mains nues que vous créez à l’Atelier de Paris est la troisième œuvre d’un triptyque.
Jeanne Brouaye : Exactement. J’ai débuté avec le solo Ce qu’il reste à faire et là où nous en sommes et le duo Foghorn. À voix et à mains nues est une suite de ce qui fut déployé préalablement, renforcée par l’idée que rien n’adviendra de favorable à l’espèce humaine si on ne questionne pas de façon transversale notre usage du monde. Mon travail se situe à la croisée des sciences humaines, de la danse, du théâtre, de la musique et des arts plastiques.
DCH : Le rapport à la matière est-elle une donnée constitutive pour vous ?
Jeanne Brouaye : J’aime l’idée d’utiliser des matériaux d’usage associés à la vie quotidienne qui ne présentent à priori aucune qualité exceptionnelle, les transformer et les révéler au travers d’un dispositif scénographique qui leur redonne un potentiel esthétique.
Précédemment, j’ai travaillé sur le trépied qui évoque les toutes premières demeures terrestre. C’est d’une incroyable simplicité qui défie la gravité. Puis sur l’igloo, un petit miracle d’ingéniosité répertorié dans les architectures vernaculaires et j’ai souhaité partir de ce type de construction pour la détourner en une forme plastique dans ma création. C’est en suivant une formation en terre crue que j’ai trouvé comment substituer les blocs de glace par une vingtaine de bottes de paille, six modules en bois en forme d’arc et bien entendu des sangles.
DCH : Que voulez-vous raconter dans Á voix et à mains nues ?
Jeanne Brouaye : L’image initiale est celle du tas d’où s’échappent trois femmes, des micros et des corps. Le geste chorégraphique est le résultat d’une série d’actions conduisant à l’achèvement de cette forme architecturale librement inspirée de l’igloo. Il s’agit d’un rite chorégraphique plastique et musical sur la réappropriation des savoirs et de nos imaginaires en résonance avec la lumière et la littérature qui deviennent le socle d’une rêverie poétique sur l’histoire et l’avenir de nos bâtis.
DCH : D’après vos intentions, il semble s’agir d’une pièce inclassable.
Jeanne Brouaye : Disons que c’est une expérience vivante, parfois drôle et singulière composée de danse, de chants, de musiques et de théâtre avec l’objectif de donner de la valeur à des matériaux simples avec lesquels on peut réinventer des constructions plus écologiques.
Sophie Lesort
Propos recueillis à l'Atelier de Paris CDCN - Octobre 2022
A voir le 14 mars 2024 à 21h au Théâtre de Vanves dans le cadre du Festival Artdanthé
Á voix et à mains nus
Conception : Jeanne Brouaye
Interprétation : Jeanne Brouaye, Estelle Delcambre, Lucie Piot
Composition musicale : Jeanne Brouaye en complicité avec David Guerra
Sonorisation : David Guerra
Dispositif scénographique : Jeanne Brouaye, Alice Panziera, Margaux Hocquard
Création lumière : Alice Panziera
Costumes : Marjorie Potiron
Conseillère dramaturgique : Camille Louis