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La 11e édition de ZOA

La Zone d’Occupation Artistique est menacée, mais ne plie pas. Cinq artistes amazones défendent le terrain.

Z-O-A : Trois lettres, trois soirées inclassables. Trois lieux, cinq propositions. On s’attendait à plus, parce qu’avant la Zone d’Occupation Artistique était plus large, plus peuplée. Si cette édition 2022 est raccourcie, elle est en même temps une œuvre de résistance, face à la réduction du soutien financier par la ville de Paris, qui frappe ZOA et tant d’autres. Oui, il y a rétrécissement et on n’est pas là pour feindre que tout va bien. Mais ZOA continue, et c’est le principal. Sabrina Weldman qui a créé ce rendez-vous de propositions scéniques inclassables, continue avec son âme de combattante. Cette découvreuse acharnée explique que l’argent qui manque aux lieux dits intermédiaires et aux structures parisiennes qui soutiennent la création artistique va à l’organisation des Jeux Olympiques de 2024.

Déjà, les JO avaient ravi à la Maison de la Danse et à la Biennale de Lyon une certaine Dominique Hervieu. En même temps, la danse break fait son entrée aux JO, pour le meilleur comme pour le pire, probablement. Mais ZOA n’est pas une manifestation de danses urbaines. ZOA œuvre à l’opposé de cette logique de compétition et soutient le projet Senior Mobile de Vincent Lacoste, où on fait danser les seniors en EHPAD ! Un vrai contre-modèle aux JO et leur course aux médailles, car Senior Mobile  fonctionne en réseau avec Micadanses, autre structure parisienne représentant le véritable esprit de Paris : Fluctuat nec mergitur !

ZOA arrive donc avec une démonstration de volonté de survie et commence, fort à propos, en lançant dans l’arène une certaine Kali, furieuse déesse hindoue, symbole des forces noires et en même temps du positif qui émergera si on réussit à les affronter, quelque part en soi-même. Kali est ici incarnée par Thi Mai Nguyen dans un solo présenté en première en France. « Kali est aussi la déesse mère, la matrice, indescriptible et mystérieuse, c’est cette énergie, parfois sexuelle, impulsive, qui régit nos relations humaines », dit la chorégaphe.

Dans la même soirée, à l’Etoile du Nord, la puissance sexuelle féminine s’affirme encore, avec Evila de Josephine Tilloy, « une histoire mettant en scène un imaginaire collectif autour de la sexualisation des corps féminins, hier et aujourd’hui ». C’est une création, un trio pour « trois corps évoluant dans un même univers corail tournoyant » où un « rythme ternaire - par opposition au binaire - vient faire jaillir ces stéréotypes sexués, érigés en mythes ».

Que ZOA est un laboratoire, un espace de réflexion sur ce que nous sommes et ce que nous voudrions être s’affirme encore avec Jessica Guez, performeuse transdisciplinaire qui travaille entre la France et le Portugal. « Je désire perdre frontière, me confondre avec des mondes et des esprits de temps anciens et actuels ; aussi, être toujours moins volontaire », dit-elle à propos de son solo Looking from a window above qu’elle crée au 100 ecs.

Et comme il est difficile de s’assurer le soutien institutionnel mérité, Sabrina Weldman, face au risque d’essoufflement, s’est trouvée une alliée de circonstance. Mansoureh Aalaii propose un atelier-performance sur le souffle, qui est « tout à la fois un manifeste, une danse, une conférence, un cours, un mouvement, une action. » C’est comme si elle voulait décrire ZOA…

Et pourquoi toutes ces femmes sont-elles ici réunies ? Par L’amour de l’art, pour le dire avec Stéphanie Aflalo qui intitule ainsi son « détournement ludique des conventions qui encadrent le discours sur l’art » présenté au Point Ephémère, autre haut lieu parisien du renouvellement culturel.. Il s’agit d’une « conférence sur la peinture intime et déroutante, culturellement incorrecte », et donc d’un contre-discours pour vaincre « le silence chic par lequel il convient d’apprécier la grandeur des œuvres d’art ». Est-ce déjà de l’iconoclasme ou encore la fameuse démocratisation ? Il faut espérer que la Zone d’Occupation Artistique aura le souffle nécessaire pour garder le cap.

Thomas Hahn

Festival ZOA
Du 13 au 26 octobre 2022

Image de preview : "Evila" de Joséphine Tilloy © Aurélie Baudet

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