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« Common Grouds » et « Le Sacre du printemps » par l' École des Sables
Maintes fois annoncé, maintes fois reporté pour cause de pandémie, le Sacre du Printemps de Pina Bausch, interprété par trente-quatre danseuses et danseurs issus de différents pays du continent africain et co-produit par l’École des sables de Germaine Acogny (ainsi que par la Pina Bausch Foundation et le Sadler’s Wells), a ouvert en beauté la saison Hors les murs du Théâtre de la Ville à La Villette.
En préambule du chef-d’œuvre attendu était proposée une création à deux voix et à deux corps, signée par Germaine Acogny et Malou Airaudo. Salomon Bausch, fils de Pina et président de la Pina Bausch Foundation, qui gère et fait vivre l’héritage artistique de cette dernière, avait en effet souhaité adjoindre au Sacre une pièce nouvelle. D’où ce duo, ou plutôt cette conversation sensible, à tous sens du terme, qui rapproche deux grandes dames de la danse sur un common ground(s), son titre judicieux. Celle que les danseurs du continent appellent respectueusement « maman Germaine » dialoguait ainsi, dans une lumière tamisée et une atmosphère intime, avec l’ex figure de proue du Tanztheater de Wuppertal, qui fut notamment une bouleversante Élue et dont le parcours, apparemment si éloigné géographiquement et stylistiquement, entrait en résonnance avec le sien.
Le lieu commun de leur rencontre était d’ailleurs cette École des Sables de Toubab Dialaw près de Dakar, au Sénégal, terreau de la reprise du Sacre où Germaine Acogny avait accueilli sa consoeur en danse. Plus que leurs propos, imparfaitement audibles en raison d’une sonorisation manquante, plus même que leurs esquisses de solos par instants, ce sont leurs vies, l’évocation de leurs ancêtres ou tout simplement leurs façons d’être au monde qui étaient au centre de ces échanges à mi-voix et à mi gestes, tels une intime mise en condition à la célébration qui suivait.
Celle-ci, sur le plateau resserré de l’Espace Chapiteaux – et non sous la Grande Halle, réquisitionnée pour d’autres usages en ce mois de foires et autres manifestations commerciales – prenait un caractère étonnamment neuf et primitif, au sens originel du terme.
Les trente-quatre interprètes issus de quatorze pays africains réunis pour la reprise – sous la direction artistique de Jo-Ann Endicott, une des danseuses emblématiques du Tanztheater – de ce Frühlingsopfer créé en 1975, semblaient réinventer une chorégraphie pourtant maintes fois vue, que ce soit par le Ballet de l’Opéra de Paris ou par la troupe de Pina elle-même. A mesure que s’accomplissait le rite et que se préparait le sacrifice, les corps semblaient de plus en plus engagés, traversés, possédés par la puissance de la partition de Stravinksy comme par la violence de la danse. Luciény Kaabral, en particulier, qui interprétait l’Élue, donnait le sentiment d’aller au-delà d’elle-même dans sa résistance magnifique et désespérée à l’inéluctable. Il faut saluer le très beau travail accompli par ces femmes et ces hommes, sélectionnés parmi cent trente-sept candidats à l’issue d’auditions vidéo, puis d’ateliers de répertoire au Burkina Faso, au Sénégal et en Côte d’Ivoire, pour faire leur cette œuvre relevant d’une tradition et d’un vocabulaire gestuel qui n’était sans doute pas familiers à la plupart d’entre eux, même si Germaine Acogny souligne volontiers l’universalité voire le caractère africain de ce Sacre.
Galerie photo © Maarten Vanden Abeele
Le résultat était littéralement bouleversant et au sortir de cette représentation où, parmi l’assistance, se pressaient nombre de chorégraphes et de danseurs, l’émotion était unanime. Le succès public était lui aussi au rendez-vous puisque les représentations, prévues jusqu’au 30 septembre avant une tournée aux Etats-Unis, sont d’ores et déjà sold out !
Isabelle Calabre
Vu le 19 septembre 2022 à l’Espace Chapitaux de La Villette, jusqu’au 30 septembre 2022.
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