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Les Adieux de Stéphane Bullion
C’est sous une longue, très longue salve d’applaudissements émus, accompagnés de la traditionnelle pluie d’étoilées dorées tombant des cintres du Palais Garnier, que l’étoile Stéphane Bullion a fait à l’issue de la représentation de la soirée Mats Ek ses adieux officiels à la scène. Un peu plus tôt, après une Carmen dansée par Marine Ganio et Hugo Marchand, on l’avait admiré dans Another Place créé en 2019 - comme Boléro également à l’affiche de la soirée - pour le Ballet de l’Opéra de Paris, sur la Sonate en si mineur de Franz Liszt. Le danseur y avait fait preuve d’une présence aussi sobre qu’intense, fidèle à une carrière toute entière au service des chorégraphes et des œuvres.
Avec ses mille et un gestes où se lisent les habitudes, l’éloignement, les retrouvailles, la solitude et la complicité de la vie à deux, la variation pour ‘danseurs mûrs’ de Mats Ek sur les aléas du couple – douze ans après l’inoubliable Place avec Ana Laguna et Mickaël Baryshnikov – lui avait offert l’occasion d’une ultime leçon d’élégance et de simplicité. En complicité avec sa partenaire Ludmilla Pagliero, parfaite, il avait donné corps à chaque intention du chorégraphe avant que, sans tombé de rideau ni saluts, ne lui succède le joyeux bazar organisé de Boléro. L’hommage que rendait le public au danseur en toute fin de représentation n’en était que plus chaleureux, touchant visiblement Stéphane Bullion au cœur. L’étoile était bientôt rejoint sur la scène par ses collègues et amis, son épouse la danseuse Pauline Verdusen, sujet, et leurs deux jeunes enfants, ainsi que par les actuelle et ancienne directrices de la danse Aurélie Dupont et Brigitte Lefèvre. Plus tard, prenant la parole avec pudeur et modestie, il avouait qu’il avait mis trois ans à accepter le principe de ces Adieux et remerciait tous ceux qui, des techniciens aux habilleuses en passant par les maîtres de ballet, et ses partenaires, avaient accompagné son parcours.
Celui-ci, nourri de passion, de volonté, et d’énormément de travail, avait débuté lors de son engagement en 1997 dans le Corps de Ballet après trois années à l’École de Danse. Passé sujet en 2003, Stéphane Bullion avait la même année reçu le prix AROP de la danse et suivi dès lors une brillante carrière de soliste. Premier danseur en 2008, il avait interprété notamment Armand dans La Dame aux camélias de Neumeier, Frédéri dans L’Arlésienne de Roland Petit, le rôle titre de Siddharta de Preljocaj, avant d’être nommé étoile le 2 juin 2010, à l’issue de La Bayadère de Noureev où il dansait Solor. On se souvient aussi de lui dans l’Orphée et Eurydice de Pina Bausch, ou dans Le Jeune Homme et la Mort de Roland Petit, autant de rôles qu’en toute modestie il n’évoquait pas dans son discours – pas plus que les graves ennuis de santé qui avaient un temps freiné son ascension –, préférant rappeler les rencontres professionnelles et privées dont il avait nourri sa vie. Bonne nouvelle, son départ n’est qu’un au-revoir : en septembre, il sera Rodolphe dans Mayerling de Kenneth Mac Milan à l’Opéra Garnier, un ballet et un rôle dont la pandémie avait il y a deux ans annulé la programmation. On s’en réjouit !
Isabelle Calabre
Vu le 4 juin 2022 à l’Opéra Garnier, Paris.
Photo de preview : Agathe Poupeney
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