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Les rencontres chorégraphiques de Seine-Saint-Denis
Festival défricheur dédié aux écritures contemporaines, les Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis, dont les origines remontent au célèbre Concours de Bagnolet créé par Jaque Chaurand en 1969, présentent des œuvres portant un regard aigu et poétique, un questionnement constant sur notre monde.
Dans une volonté de décloisonnement, cette édition multiplie les invitations à se retrouver et à croiser les points de vue. De Nora Chipaumire à Massimo Fusco, les équipes artistiques jouent de l’indiscipline pour nous mettre à l’écoute de soi et des autres.
Foisonnant et intergénérationnel le programme compte vingt-quatre spectacles dont onze créations, quatre représentations scolaires, des installations, des rencontres avec les artistes, des films, des ateliers, des projets participatifs et une soirée de fête. En investissant dix-sept salles et des parcs du département, le festival poursuit son objectif de convivialité et du plaisir d’être ensemble.
Il est à noter que Frédérique Latu, directrice des Rencontres depuis 2021, offre une importante place aux femmes chorégraphes qui sont véritablement mises en valeur au sein de ce panel de créations.
Justement, il est intéressant de souligner la présence d’Hortense Belhôte dont Performeureuses s’intéresse à l’évolution artistique occidentale au XXème siècle au contact des cultures étrangères dans un cadre colonial et post colonial. Quant à Doria Belanger, elle s’interroge sur le mystère de l’énergie dans Joule tout en recherchant si le corps dansant peut être l’écho d’un autre rapport au monde qui défierait les lois de la physique.
D’origine ukrainienne Olga Dukhovnaya crée, transforme et met au gout du jour le romantique Swan Lake dans un étonnant solo. Avec La Gardienne, dansée dans un parc, Maxence Rey invente un trio où l’humain est relié aux forces invisibles de la nature.
Création aussi avec un film de Corinne Dardé qui a suivi les étapes de Displacement menée avec des amateurs par la chorégraphe Anna Chirescu. Dans son solo, la danseuse et chorégraphe Soa Ratsifandrihana part dans G r oo v e à la recherche très personnelle des moments de son enfance où elle ponctuait de mouvements spontanés les musiques qu’elle écoutait. Et avec Mourn Baby Mourn Katerina Andreou crée un étrange duo entre une femme et une statue. Entre colère et frustration, elle envoie un signal de détresse motivé par la colère et la nécessité.
Autres nouveautés 2022 : la pièce très originale Poufs aux sentiments d’Yvan Clédat et Coco Petitpierre où quatre interprètes sont presque dévorés par une immense coiffure blanche et sophistiquée qui rappelle les excentriques perruques de Marie-Antoinette. Et Thibaut Ras qui avec Dancing the métropolis a filmé douze chorégraphes le long du tracé du futur métro francilien. Le mouvement des corps se mêle à celui des villes pour une vision panoramique des mutations en cours. Une commande des Rencontres.
Sans omettre Bo, la performance immersive de Kevin Jean, et la création de l’installation Corps sonores, de Massimo Fusco qui propose une expérience immersive à une dizaine d’auditeurs, qui, munis d’un casque audio dans un espace baigné d’une nappe sonore se font masser tour à tour. Un temps rare qui renvoie à son propre corps !
D’autres femmes à l’honneur dont la jeune révélation de la scène chorégraphique bruxelloise, Mercedes Dassy qui signe sa première pièce collective interprétée par quatre jeunes danseuses. Dans Ruuptuur, elles évoluent sur un plateau jonché d’une multitude d’objets et n’hésitent pas, telles des divinités, à se révolter afin de se libérer des carcans. Une fête sur les engagements féministes !
Née à Buenos Aires, Mayra Bonard évoque la survie dans Vivir Vende, une performance à la fois pleine d’humour, parfois érotique, poétique et surtout crue. Deux danseurs et une ballerine exposent leurs vies réelles, leurs désirs et leurs luttes tout en prouvant que la précarité devient une possibilité créative.
On pourra également assister à une installation monumentale habitée par Nehanda,un esprit vénéré par le peuple Shona originaire du Zimbabwe et du Mozambique signée par Nora Chipaumire qui est née à Mutare (Zimbabwe).
Sont aussi à l’affiche : Dalila Belaza, la sœur de Nacera, qui, avec un groupe de danse traditionnelle aveyronnais, interroge l’état de jaillissement de la danse dans Au Cœur. Anne Nguyen et Yves Mwamba annoncent un solo Hip-hop Nakupenda qui conte l’histoire de toute une génération de jeunes danseurs des rues en Afrique, les Mudjansa. Et avec Être au milieu des milieux, Sylvain Prunenec combine danse, texte, musique et image pour évoquer poétiquement un dialogue entre la nature et l’humain. I
Á voir également, Promise me par la compagnie belge Kabinet K où Joke Laureyns et Kwint Manshoven proposent avec sept danseurs et un musicien un hymne aux insoumises, aux téméraires, placé sous le signe de la bravoure. Originaires de Tunis, les frères et sœurs Selma et Sofiane Ouissi explorent les relations humaines dans Le moindre geste. La joie et l’encouragement pour tous à danser, Happy Hype, est signée par le collectif Ouinch Ouinch. L’histoire à travers le monde d’un coquillage, la conque, par Hortense Belhôte et Marcela Santander Corvalán. Un voyage virtuel et poétique de Prue Lang et Jana Castillo. Et de l'humour grâce à Claire Laureau et Nicolas Chaigneau avec Les galets au Tilleul sont plus petits qu’au Havre (ce qui rend la baignade bien plus agréable).
Clôture en beauté du festival avec trois pièces emblématiques de l’extraordinaire et regretté chorégraphe Andy De Groat (1947-2019) avec Red Notes / Rope Dance Translations / Fan Dance dansées par onze interprètes sur des musiques et des textes de Philip Glass, Michael Galasso et Gertrude Stein. Un événement exceptionnel grâce à la mission du jeune centre chorégraphique de nulle part (CCINP Andy De Groat).
Sophie Lesort
Les Rencontres chorégraphique internationales de Seine-Saint-Denis
Du 13 mai au 18 juin 2022
Image de preview © Collectif Ouinch Ouinch © Julie Folly
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