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« Bugging » d’Etienne Rochefort

Etienne Rochefort, ou l’art de ne pas bugger au bon endroit. L’artiste associé à Pôle-Sud CDCN tente une danse à partir du mouvement empêché. Bugs inclus. A ne rater au Festival Transdanses le 25 novembre 2022 à 21h.

Quand Etienne Rochefort décida d’appeler sa compagnie 1 des si, il le fit par autodérision aux multiples activités ou carrières possibles mais inachevées – skateboard, dessin, musique, magie – qui sont les victimes d’une indécision aujourd’hui assumée. « Pusillanime à mes débuts, je revendique aujourd’hui mon parcours éclaté », écrit-il, heureux de ses « expériences, riches en rencontres». Autrement dit, il ne considère plus sa série d’abandons et de recommencements comme des bugs. Mais s’ouvre quant à cette façon de laisser un projet de vie s’écrire en tâtonnant, au moment même où il crée Bugging

La création de sa compagnie était pour lui une possibilité « de murir un projet pérenne » et d’atteindre une maturité qui lui permet d’inventer soi-disant une nouvelle danse. Si vous n’avez pas encore entendu parler du bugging, vous n’avez donc pas à vous considérer comme has been. « J’affectionne ce que j’appelle la danse vidéo. Ralenti, rembobinage, pause, bug… » Pour rappel, Rochefort a rencontré la danse par le hip hop, où on pratique le locking, le popping, le waacking… Le bugging pourrait-il venir compléter cette gamme de styles ? 

Galerie photo © Laurent Philippe

Du krump au bug

Les neuf jeunes interprètes qui buggent avec bonheur pratiquent effectivement différentes danses urbaines : hip hop, krump et voguing. Yanis Khelifa est même une vedette de la scène parisienne des ballrooms. Lui, ainsi que la krumpeuse Hendrick Ntela et le krumpeur Luka Seydou s’adaptent parfaitement à la scène et à l’écriture chorégraphique, alors qu’ils n’en ont jusqu’ici aucune ou très peu d’expérience. Une belle réussite qui montre que le courant passe entre chorégraphes et krumpeurs, qui dévoilent de plus en plus de qualités scéniques et poétiques. La théâtralité de leur danse est en train de trouver sa place auprès des chorégraphes. Le bugging, si jamais une telle danse existe pour de vrai, leur est même particulièrement favorable puisque les mouvements krump qui jaillissent de leurs entrailles et explosent dans une retenue toute aussi spectaculaire, ont tout de l’incarnation du bug. 

Mais le bugging, qui est selon Rochefort « le reflet du dérèglement systémique en cours, par le corps », n’existe pas. Autrement dit, cette danse « naît d’elle-même en réponse au monde qui nous entoure ». C’est une danse paradoxale qui consiste en son empêchement, puisque les gestes se répètent inlassablement dans leur non-aboutissement. Danse virtuelle ? Non-danse qui danse ? La danse, dit-on dans sa vision romantique, est le chant du corps. Ici, le corps bégaye, il dit son empêchement à parler dans une série de tics et de TOC. 

Galerie photo © Laurent Philippe

Jeux d’illusions

Bugging, la pièce, va dans le même sens. Une pièce empêchée, divisée en trois parties : Prologue, Bugging, et Epilogue, toutes annoncées par des écriteaux. Mais la gestuelle qui « se manifeste par des énergies et des mouvements brusques, répétés, violents ou fulgurants, par l’illusion d’un corps qui se dérègle » et – selon son inventeur – constitue en cela le bugging est justement absente de la partie principale, intitulée Bugging ! Bug ou méta-bug ? Bug dramaturgique ou clin d’œil malicieux déguisé en douceur ? Ici la chorégraphie est calme, harmonieuse, ronde. Et, justement, ne bugge pas. Une utopie peut-être, un rêve d’un monde meilleur. Une illusion dansée. 

Le bugging, c’est le corps qui se dérègle et « ce dérèglement est une alerte », selon Rochefort. Alerte sur le dérèglement de la politique, du climat, de la planète. Le monde est entré en mode bug. L’humanité est-elle un bug de l’évolution tombé dans son propre jeu d’illusions ? Est-elle un paradoxe à l’image de cette danse où le mouvement se bloque et retourne à la case départ avant de pouvoir songer à son aboutissement ? Le déluge stroboscopique des lumières rouges et sombres de l’apothéose finale, avec ses bugs à répétition, ne laisse aucun doute : Dans cette pièce, le bugging bugge à la perfection, sauf sur son territoire assigné. La tentative d’établir une danse construite sur le bug est une aporie. Laquelle est un bug. Ou bien un art. 

Thomas Hahn

Vu à Chaillot-Théâtre national de la Danse, le 12 avril 2022 (création mondiale) 

Festival Transdanses le vendredi 25 novembre 2022 à 21h à l'Espace es Arts de Chalon-sur-Saône.

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Bugging

Chorégraphie : Étienne Rochefort
composition musicale et inteprétation : Mondkopf
lumière : Olivier Bauer
Avec Joël Brown, Maxime Cozic, Loraine Dambermont, Megan Deprez, Yanis Khelifa, Sylvain Lepoivre, Hendrick Ntela, Luka Seydou et Marine Wroniszewski

Production Cie 1 des Si / POLE-SUD CDCN de Strasbourg / CCN Ballet de l’Opéra National du Rhin – CCN de Mulhouse / VIADANSE – CCN de Bourgogne-Franche-Comté / MA Scène Nationale – Pays de Montbéliard / Le Dancing – CDCN de Bourgogne-Franche-Comté / Espace des Arts – Scène Nationale de Chalon-sur-Saône / Théâtre de l’Arsenal – Val-de-Reuil / LES 2 SCENES - SCENE NATIONALE DE BESANçON

Avec le soutien de la caisse des dépôts / le ministère de la culture DRAC - Bourgogne-FrancheComté / la ville de Besançon / la région Bourgogne-Franche-Comté et le département du Doubs

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