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Manuel Liñan, nouvelle révolution flamenca

Sinergia de Manuel Liñan @ Celia de Coca

La Ventana de la danza a pour but de promouvoir la création madrilène auprès des programmateurs du monde entier. Il y a donc une certaine ironie à constater que la découverte la plus bouleversante de l’édition 2013 relève du flamenco.

Manuel Liñan est en effet né à Grenade et a fait un parcours assez classique, ayant travaillé, entre autres, avec Raffaella Carrasco. Mais il ouvre à cette danse du sud une fenêtre plutôt nordique, à travers laquelle on aperçoit une autodérision très salutaire. Bien sûr, Liñan possède une technique impressionnante, au geste aussi tranchant qu’Israel Galvan et aux mouvements plus arrondis, mais tout aussi puissants. Voilà un garçon cosmopolite et naturel, un copain qui danse, pas une image de Séville qui monte en scène. Liñan détourne le flamenco en déconstruisant les images que d’autres se contentent de réinterpréter. Chez lui, aucune surenchère de virilité ni de ferveur ou d’acharnement. Pas d’excès de gomina pour faire briller ses cheveux blonds et bouclés. Il met ses muscles sous tension uniquement quand il se permet une citation, une éruption flamenca. À la base, le Liñan en scène est le même que celui qui va prendre un verre au troquet.

Ce que nous voyons dans Sinergia est un meta-flamenco qui ne se contente pas de s’affranchir des stéréotypes du genre. Il s’en amuse, dans une approche quasiment brechtiennne, forte d’une distanciation qui transforme la danse en un jouet. Manuel jongle avec le zapateado, le glisse entre les notes des musiciens comme s’il faisait partie du groupe. Il affronte la chanteuse qui pratique parfois un registre assez déconcertant, aux accents de rap. Puis il invente un geste qui fera date, quand le musicien frappe la semelle de la chaussure du danseur, qui devient un instrument à percussion inversé.

Sinergia de Manuel Liñan @ Celia de Coca

 

Ainsi va cette interprétation de la danse, plus juvénile et libre, jouant simplement avec la situation de la rencontre sur le plateau. Le danseur face à sa chaise, le citoyen face aux trois autres, comme une conversation de rue, mise en gestes, avec ses petites provocations, son ironie et tout ce qu’on cherche dans le regard de l’autre. Le flamenco s’y danse comme au passage. Et si Galvan a ouvert cette porte à la danse, Liñan avance et passe. On a l’impression qu’il a également empoché sans effort ses deux prix de meilleur danseur 2013, décernés par la critique espagnole et tant d’autres distinctions. Sa force est de n’avoir recours à aucune fusion avec danse contemporaine ou autres registres. Pour changer le regard sur la tradition, il lui suffit de mettre en jeu sa personnalité. Grâce à cette véracité, il enracine la tradition dans le monde cosmopolite d’aujourd’hui.

 

 

 

Sinergia de Manuel Liñan @ Celia de Coca

Ana Cabo et Didier Michel, qui organisent la Ventana de la danza, ont eu une autre idée excellente. Rocio Molina, dont on a pu voir le solo au théâtre national de  Chaillot, a présenté ce même rituel dansé autour d’un verre de vin. Mais cette fois, Molina a reçu son public à la campagne, dans un authentique chai, face aux vignes. Il y avait là, surtout au début, des apparitions purement fantomatiques, où l’esprit flamenco s’emplit de mystère et d’immatérialité, avant de se dissoudre dans le dialogue spiritueux et plus anecdotique. Tout de même, une robe sobre en soie claire, et une écharpe mauve, couleur qui vient d’être déclarée « couleur de l’année 2014 » par la haute couture ! Le flamenco est tendance…

 

Thomas Hahn

www.manuellinan.com

http://misterdante.com/ventana-de-la-danza-2013/

 

 

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