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« Distances » d’Ashley Chen
Un chœur féminin puissant et poétique sur la nécessité de préserver son espace vital.
C’est à l’Atelier de Paris, dans le cadre du festival Faits d’Hiver, qu’Ashley Chen a enfin pu présenter Distances, sa dernière création pour neuf danseuses.
Sur le plateau vide, neuf femmes, dont les têtes ainsi que les visages sont recouverts de tissus bleus, s’expriment individuellement en déployant une intense vitalité qui vise à moduler chaque interstice de l’espace. Elles courent, tombent, se posent un instant, se rapprochent, s’éloignent ou s’éparpillent comme si chacune éprouvait le besoin fondamental de marquer son identité et son univers.
Très inspirée par les périodes de transits lors des voyages de par le monde d’Ashley Chen ou plus simplement dans une rame de métro bondée, cette étrange communauté évolue lors de différents tableaux. Ils évoquent une indécente vision de l’actualité, une saturation d’images et d’infos contradictoires.
Un flot de musique brouille aussi les pistes, d’innombrables détails sont poignants surtout lorsque les interprètes se rejoignent et se battent, se gênent, s’écharpent… sans une once de tendresse ni de bienveillance.
Mais voilà qu’elles entonnent un chant à l’unisson et un seul grand ensemble se construit dont la danse aux multiples mouvements se déploie comme l’idée d’une renaissance, d’une harmonie, d’une libération. Elles ont enfin trouvé leurs places dans la société, savent protéger leurs espaces vitaux et enfin, démontrent à quel point le respect envers l’autre est essentiel pour vivre ou survivre au sein d’une collectivité trop souvent individualiste.
En solos, en duos ou en trios, les remarquables danseuses n’oseraient peut-être pas exacerber à ce point là les différentes situations si leurs visages étaient visibles. Ce masque, tellement synonyme de ces deux dernières années, fut pour autant prévu par le chorégraphe bien avant la pandémie.
Ashley est-il un visionnaire ? Non, répond-il. Son regard perspicace et lucide sur les populations de même que ses expériences l’ont interrogé et nourri afin d’élaborer cet ouvrage troublant de vérité,
Comme dans Rush en 2019 (lire notre critique) Ashley Chen initie une chorégraphie empreinte de puissance et de poésie déroutantes dont la progression dramaturgique débute avec un saisissant malaise pour finir en une apothéose pleine de raffinement, de sensibilité et d’émotion. Une complexité chamarrée éblouissante de vie !
Sophie Lesort
Vu le 21 janvier 2022 à l’Atelier de Paris dans le cadre de Faits d’Hiver
Festival Faits d’Hiver jusqu’au 16 février 2022
L’Atelier de Paris
En tournée : 29 et 30 mars 2022 au Lieu Unique de Nantes
Distances : Conception et chorégraphie : Ashley Chen
Interprétation : Alexandra Damasse,Olga Dukhovnaya, Peggy Grelat-Dupont,Catherine Legrand, Haruka Miyamoto,Andréa Moufounda, Solène Wachter,Magali Caillet-Gajan, Pauline Colemardet Flora Pilet.
Composition musicale : Pierre Le Bourgeois / Animaux Vivants
Création lumières : Eric Wurtz
Reprise régie lumière : Caroline Gicquel
Création costumes : Marion Regnier
Collaborations artistiques : Julien Monty, Philip Connaughton
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