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A Reims, Born to be a live 2021: Un goût de fête !
Le Manège Scène nationale interroge les genres, entre danse, cirque et cabaret, masculin et féminin.
Born to be a live : Le titre cache une prise de position claire et nette par rapport aux confinements : Le spectacle vivant est fait pour la scène, face aux spectateurs, avec un échange d’énergies qui va dans les deux sens. Né pour la scène, pas pour l’écran. C’est en ce sens même qu’à Reims, la danse croise l’univers du cirque, grâce à un mélange de styles à travers les propositions, mais aussi à l’intérieur de beaucoup d’entre elles : danse, cirque, cabaret, musique, chanson, texte…
Symbole de ces traversées, Le Manège programme une grande partie de ses spectacles – dont sept premières mondiales – au cirque de Reims, un cirque en dur de 800 places et véritable joyau de l’architecture du XIXe siècle. Les arts du cirque y prennent des airs très contemporains et peuvent s’inscrire dans les questionnements de notre temps. Prenez Juglair, cet.te artiste queer qui pose une barre de pole danse au milieu de la piste et interroge son identité sexuelle par l’acrobatie, le chant, le cabaret… Il ou elle ? Du genre biologique au genre artistique, un vrai jeu de piste !
Le cabaret est par ailleurs là pour rester. Le Secret, programme transgressif conçu par Jérôme Marin avec, entre autres, l’inénarrable David Noir, est le premier d’une série de rendez-vous de ce non-genre. Dans ce programme de 2h20, tout peut arriver quand la fantasque Jeanne Plante croise les chemins de La Big Bertha, drag queen à barbe et à paillettes, ou de Lalla Morte sur les chemins du fakirisme, qu’on a déjà pu savourer à Paris, au Cirque Electrique. « S’il vous reste des tabous, abstenez-vous », disent-ils.
Ou bien Julia Robert, entre cabaret et théâtre, avec son solo Fame, en femme hypersexuée entre Julia Roberts et Marilyn Monroe, qui confie à son public la part inconnue, sombre et vertigineuse du désir de célébrité sur fond de rencontre sonore et parfois grinçante entre Jimi Hendrix et Maria Callas, tous les deux autant bénéficiaires que victimes du culte dont ils étaient l’objet. En superposant son identité à celle de l’actrice (presque) homonyme, Julia Robert signe une troublante autofiction (créée au festival Artdanthé de Vanves) qui rappelle entre autres que le mot anglais « fame » signifie « faim », en italien…
Les chorégraphes aussi peuvent s’emparer du cirque. Jérôme Brabant signe à Born to be a live une vraie première, avec une pièce qui s’inspire des années punk et de leur musique, pour interroger la danse de cette époque, et des periodes suivantes, jusqu’à l’arrivée de la techno. Dans Je n’ai pas eu le temps d’y penser, c’est arrivé !, il interroge les univers de chorégraphes des années 1980/90, de Michael Clark à Régine Chopinot. Là aussi un sentiment de liberté s’empare de la scène. Le titre est par ailleurs une citation de la chanteuse du groupe Siouxsie and the Banshees. Alors, comment cette spontanéité irrigue-t-elle la danse et se pose en héritage ? Brabant en remixe les mouvements parfois jubilatoires, parfois plus structurés, sur des musiques originelles et acrobaties vocales signées Gustine. Et la soirée se termine par un DJ set.
L’autre partie de la programmation se déroule au théâtre. Où grâce à Marta Izquierdo Muñoz, Élodie Sicard et Marinette Dozeville, les femmes mènent la danse. C’est incontestable, et elles partent même au combat, entre les Guérillères de Muñoz et les Amazones de Dozeville. Parmi les références de l’Espagnole on trouve bien sûr aussi les Amazones , mais également des Wonder Women, imaginant une communauté de femmes en armes et en danses, entre influences contemporaines et antiques.
C’est par ailleurs un essai, Les Guérillères de Monique Wittig, qui fait le lien entre Marta Izquierdo Muñoz et Marinette Dozeville, en inspirant les deux chorégraphes. Mais si l’Espagnole montre une communauté combattante, Dozeville l’imagine dans un état d’apaisement. Il n’y a là ni armes ni armures, ni costumes par ailleurs. Rien que les corps et le mouvement, celui de leurs rites, qui font la part belle à la douceur, la solidarité et au rêve d’un monde où la violence n’est plus nécessaire. Retour à une société originelle, peut-être même à une forme d’Eden…
Comme au Cirque avec Jérôme Brabant, il sera question, au Théâtre, d’une révolution musicale du XXe siècle, une révolution qui, paradoxalement, peut aujourd’hui avoir des airs de grand classique : John Cage ! Le pianiste Bertrand Chamayou a proposé à Elodie Sicard d’imaginer une partition chorégraphique en résonance avec les vibrations du « piano préparé », inventé par Cage par coïncidence. En ce sens, le titre du spectacle de Brabant, Je n’ai pas eu le temps d’y penser, c’est arrivé !, serait ici tout aussi pertinent. Mais cette pièce pour un pianiste, quatre pianos préparés et une danseuse s’intitule Cage².
Et pour boucler la boucle de ce Born to be a live, on revient à l’esprit cabaret tendance queer, avec une « performance transgressive » qui interroge le concept de masculinité et révèle celle-ci comme construction sociale. Sur des beats électro pulsants, ce sont ici trois hommes qui se glissent dans les codes des danses érotiques et sexuelles habituellement assignées aux femmes, avec leurs ondulations des reins et des fessiers, leurs déhanchés et tombés de bassins. Le titre de ce trio signé Kevin Jean, est-il une revendication ou pure ironie face aux fantasmes sexuels ? Kevin Jean vise Dans le mille.
Thomas Hahn
Born to be a live, edition 2021 du 8 au 20 novembre
Image de preview : Guérillères - Marta Izquierdo Muñoz © Marc Coudrais
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