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« Entropico » de Christophe Haleb
Rendez-vous sur notre nouvelle plateforme de films de danse. Une autre manière de découvrir la danse !
Dès le lundi 25 octobre et pendant une semaine non-stop, vous pourrez visionner les cinq épisodes d' Entropico, qui fera l'ouverture de notre plateforme.
Notre plateforme s’emploiera à mettre en valeur des films et vidéos consacrés à la danse, des captations de pièces chorégraphiques, mais aussi et surtout des œuvres par elles-mêmes, tous genres confondus – documentaire, expérimental, film d’art, etc. – présentant un intérêt particulier et ayant une incontestable valeur artistique.
Entropico est un projet chorégraphique en même temps qu’une série de cinq documentaires de courte durée captés en numérique par Christophe Haleb. Ces films montrent un panel de jeunes s’adonnant à l’expression corporelle – à la danse, aux arts martiaux et au parkour, essentiellement – prélevé dans trois localités distantes et distinctes : Marseille, Fort-de-France, La Havane.
Archipel dansant
Les échantillons représentatifs d’une « jeunesse en archipel » sont, d’après Christophe Haleb, « marqués par l’histoire coloniale » et dessinent selon lui une « cartographie urbaine ». La question récurrente est bel et bien celle de la liberté. Liberté de penser, d’agir suivant son désir, de bouger et, pour les Cubains, d’aller voir ailleurs. La jeunesse que nous montre Entropico n’est pas seulement un âge de la vie mais un espace en marge de la ville, des lieux déshérités, désertés, rendus à la nature sauvage ainsi qu’une culture, une façon de penser et de se mouvoir. Cette jeunesse se situe en marge de la cité, comme l’indique l’arrière-plan avec « Marseille » en neuf lettres géo-localisant les limites de la cité phocéenne et singeant les neuf gigantesques capitales perchées sur le Mont Lee de l’enseigne « Hollywood ». Ce petit monde se mélange allègrement dans un même récit, au sens large du terme, au moyen de précisions contextuelles, de réflexions et d’analyses personnelles.
On retrouvera les adeptes des diverses disciplines dans les différents numéros de la série. Il faut dire que le chorégraphe-réalisateur a soigné son casting, aussi bien les figurants, les silhouettes et, si l’on peut dire, les « seconds rôles », que les « bons clients », susceptibles de s’exprimer par le geste comme par la parole. Pas nécessairement des virtuoses, des acrobates, des champions. Et pas toujours de grands orateurs. Des protagonistes motivés, décidés, conscients de leurs actes, passionnés par leur hobby, en quête d’une vie choisie. En leur donnant la parole, le film a valeur sociologique et, dans une certaine mesure, également politique. Cette question se pose précisément à deux moments dans les entretiens réalisés à La Havane. Mais nous ne sommes pas pour autant dans un éloge de mouvements radicaux comme celui des Zadistes ou une exaltation de divertissements pour ne pas dire diversions comme les raves parties. L’attention portée ici au corps, y compris dans des disciplines à risques, mérite en effet d’être soulignée.
Montage alterné
Christophe Haleb et son monteur Sylvain Piot, passent d’un pays et d’un personnage à l’autre sans transition, au moyen du montage alterné, un procédé utilisé par David Wark Griffith dès 1908, avec Les Aventures de Dollie, systématisé par la suite dans son long métrage pro-sudiste, et donc raciste, Intolérance (1916) auquel participa la compagnie de Ruth Saint Denis. Les actions, les épisodes, les anecdotes se déroulent parallèlement et des rapprochements « cut » font se succéder ou se juxtaposer des plans et des moments n’ayant ni lien ni contiguïté. Ceci à l’intérieur de chaque court métrage comme dans l’ensemble de l’œuvre. Les contrastes entre les langues, les cultures, les expressions artistiques ou sportives s’estompent dans cette structure commune. Ce moyen purement technique produit donc du sens. Ce sens allant vers l’idée d’une fraternité planétaire.
Le titre Entropico se réfère aux pays et régions du sud mais fait aussi songer à deux opus de Jacques Baratier : Désordre (1947) et Le Désordre à vingt ans (1967), tous deux consacrés aux générations nouvelles, celle d’après-guerre pleine de vitalité, se dépensant dans le jazz et le bebop et celle précédant ou annonçant mai 68. Malgré les passages lyriques, contemplatifs, méditatifs, les magnifiques plans de couchers de soleil, la beauté des protagonistes, Entropico garde la tête froide, ne porte aucun jugement de valeur, reste dans le réel. On est loin des fictions sur les rebelles sans cause, loin aussi du cinéma militant à la Vigo (Zéro de conduite, 1933) ou à la Buñuel (cf. Los Olvidados, 1950), loin des teen movies en général. On pense plutôt aux films sur le hip hop, mêlant documentaire et fiction (Wild Style,1983 ou Beat Street, 1984) ou aux documentaires purs et durs comme Faire Kiffer les anges (1997) de Jean-Pierre Thorn qui a marqué le renouveau des danses urbaines en France.
Vitalité et inventivité
Entropico prouve qu’à travers le monde la jeunesse s’exprime par le corps, pas uniquement par les danses urbaines. Au moment où le Comité olympique veut introduire la breakdance parmi les disciplines sportives, Christophe Haleb emprunte la voie inverse, intégrant les sports de combat comme le kung fu ou la boxe anglaise (dite le « noble art ») parmi les pratiques artistiques. Certes, le hip hop, le rap et même le trap tiennent une place dans les cinq épisodes de sa série. Ce dernier mouvement musical, apparu dans les années 2000, a donné une danse lascive, assez suggestive, dont s’est entichée une jolie patineuse cubaine qui en fait la démo et en commente les enjeux.
Mais il fait aussi la part belle à la pratique du parcours ou parkour, apparemment plus répandue qu’on ne le pense à travers les pays. Ce sport à risque à base d’acrobaties, de sauts d’obstacles et autres cascades, proche du gymkhana et de l’entraînement militaire, « art du déplacement » créé de toutes pièces par David Belle et Sébastien Foucan, popularisé par la production cinématographique de Luc Besson, Yamakasi (2001) a fait des émules, ce jusqu’à nos jours. La virtuosité ne semble être la préoccupation principale ni des héros du film ni de son réalisateur. Des propos tenus ou retenus au montage, ressort le leitmotiv du défi qu’on se lance à soi-même.
NB. Le film a pour interprètes :Aída Rodriguez Fondiño, Alejandro Pelaz Martinez, Alièle Colombini, Andrea, les amis de Nemo, Angel Jimenez, Armel Talbot, Axel Barclais, Brian, Dani Diaz Sanchez, Doralou Barilla, El Negri, Emma Lou, Driguez Defer, Emmanuelle Thevenard, Earwin, Felix Palmero, Fiona Truong Minh Ky, Jordan Nana Wembo, Kiko, Lazaro Cesar Martinez Barreto, Leyanis Hernandez Puente, Lorenzo Felvia, Ludmila de Rozan, Mala Moe & ses amies, Marcos Miguel Mendez, Marius Vogel, Mathieur Frantz, Maxime Blanc, Mélanie Castel, Miguel Jimenez, Mike Troupé, Natal Ronfort, Nemo Boudin, Paquelín & El Flaco, Souddjay Elhadi, Souchi, Tao Hubert, Vittorio Francesco Brito, Yosmar Tori.
Nicolas Villodre
Entropico : Du lundi 25 octobre à 11h jusqu'à dimanche 31 octobre à minuit ! Sur www.dansercanalhistorique.fr
Chorégraphe et réalisateur : Christophe Haleb
Montage : Sylvain Piot,
Production LA ZOUZE
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