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« Témoins de la mer » d’Aurélien Richard
Dans le cadre des Journées du patrimoine, Aurélien Richard a montré en première son opéra-documentaire Témoins de la mer, un moyen métrage conçu, composé et chorégraphié par lui, réalisé par Thomas Adam-Garnung, produit par le musée de la pêche de Concarneau à l’occasion du 60e anniversaire de l’établissement.
Il s’agit d’un film musical d’un genre peu banal, au croisement de la cinéphonie d’Émile Vuillermoz – cf. Les Berceaux (1935) de Dimitri Kirsanoff, sur le poème éponyme de Sully Prudhomme et la composition de Gabriel Fauré, dont Jean Epstein avait livré une version différente deux ans auparavant –, de « l’opéra documentaire », au sens où l’entendaient Steve Reich et Beryl Korot avec The Cave (1993) et de la cinédanse pure et dure, genre Hopplà ! (1988) de Wolfgang Kolb qui était basée sur la chorégraphie d’Anne Teresa De Keersmaeker et inspirée par la musique de Bela Bartok.
L’hétérogénéité le constituant ne se sent pas à la vision du film grâce à un travail de montage tout en finesse. Se succèdent et se fondent subtilement la partition pianistique écrite et interprétée par l’auteur (lequel est quasiment toujours hors champ), la visite par l’intermédiaire de la caméra du lieu de mémoire halieutique, en l’absence de tout public, les entretiens avec les hommes et les femmes actuellement en charge de l’institution qui fut fondée par l’artiste-peintre Charles Viaud et ses amis Marcel Chevannes et Émile Le Tendre, la lecture par Mathieu Dubroca d’extraits des mémoires du même Viaud, premier conservateur en chef et le chant opératique de l’artiste avec la remarquable soprane Roxane Chalard, le solo de la danseuse Béatrice Aubert et la danse enfantine chorégraphiée par elle et Aurélien Richard.
Les prises de vue en haute définition de Thomas Adam-Garnung sont plus splendides les unes que les autres, que ce soit en extérieur – le centre historique du port étant déserté comme par miracle ou par mirage, la photographie s’animant de légères vibrations, d’imperceptibles palpitations et autres mouvements naturels –, qu’à l’intérieur du musée, avec des effets d’éclairage permettant de découvrir les salles, les vitrines, les trésors. Parmi ceux-ci, une pièce, non des moindres, de toute évidence trop volumineuse pour entrer dans l’ancienne chapelle : le chalutier Hémérica, amarré à quai depuis 1984, désormais accessible aux visiteurs. Nous avons bien entendu droit au numéro de prestidigitation qu’est toujours la séquence obligée de nœuds marins.
La qualité technique de la prise de son et la restitution de la musique est admirable. Les deux chanteurs sont mis sur un plan d’égalité et forment visuellement un couple écranique, un diptyque – pour ne pas dire un split-screen. Une surimpression qui contraste avec le montage cut permet d’autre part de réunir l’orchestre. On y entrevoit à peine le pianiste, ainsi que la violoncelliste Myrtille Hetzel, et, ce qu’il faut, comme il se doit, les chanteurs. La musique, en dehors des accords martelés en début de bande, est dans la tradition de l’école française, par conséquent encore tonale, sous influence classique, Aurélien Richard ayant voulu rendre hommage à Gabriel Fauré. Le finale est consacré à l’enfance, représentée par des élèves du collège Saint-Joseph et une classe de CM2 de l’école Paul Gauguin de Melgven.
Nicolas Villodre
Vu sur Vimeo le 19 septembre 2021.
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