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Raphaëlle Boitel au Théâtre national de Nice : Entretien

C’est avec le cirque chorégraphique de La Chute des Anges que s’ouvre la saison au TNN. Cinq questions à Raphaëlle Boitel. 

Danser Canal Historique : Pouvez-vous nous présenter La Chute des Anges ? Par son sujet d’abord...

Raphaëlle Boitel : La Chute des Anges  est une sorte de conte d’anticipation, inscrit dans un univers cinématographique, qui évoque un futur proche altéré par un évènement grave et au sein duquel les Hommes ont perdu ou oublié ce qui faisait d’eux des êtres « humains », au sens large du terme. Ils ont glissé dans un quotidien qu’ils subissent plutôt qu’ils le contrôlent. Certains vont questionner cette réalité et le sens de leur vie...

DCH : ... et ensuite sous ses aspects circassiens : quels types d’agrès et de techniques acrobatiques portent ce spectacle ?

Raphaëlle Boitel : Dans ce spectacle, j’ai utilisé les agrès pour incarner les machines qui cohabitent avec ces hommes. Au sein d’une écriture chorégraphique millimétrée où se mélangent danse, acro-danse, cirque, lumière et machinerie, nous avons particulièrement développé un système de mât chinois suspendu mobile, ainsi que des systèmes de machinerie à contre-poids, qui ont permis de développer un vocabulaire acrobatique plusieurs mètres au-dessus de la scène.

DCH : Quelles sources ou œuvres ou autres recherches ont nourri l’écriture du spectacle ?

Raphaëlle Boitel : J’ai été très interpellée, il y a une dizaine d’années, par l’essai « Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie », de Jared Diamond, sorti en 2005 et qui abordait alors un thème dont on ne parlait pas autant qu’aujourd’hui. Cet essai a probablement été un déclencheur inconscient, car j’y repensais régulièrement en voyant la situation écologique et politique s’effriter au fil des ans. Mais La Chute des Anges a d’abord été inspiré du quotidien, de notre société. Témoin de ce monde qui va de plus en plus vite sans toujours savoir pourquoi, j’ai eu envie d’évoquer le rythme frénétique de cette époque qui nous fait parfois oublier ce que nous sommes vraiment.

Mon écriture et mon parcours personnel étant complètement inscrits autour de la question du corps, je suis aussi inquiétée de cette « sur-technologie » qui nous éloigne doucement de notre corps et fait parfois de nous des « hommes-troncs », qui finissent par davantage exister par leur image ou un écran que par ce qu’ils réalisent vraiment.

De fil en aiguille, je me suis intéressée à l’Allégorie de la Caverne  de Platon, qui a influencé jusqu’à l’esthétique du spectacle. Par ailleurs, quand j’ai commencé la vaste réflexion autour de ces thèmes, je me suis replongée, entre autres, dans des œuvres telles que 1984, Metropolis, Les temps modernes, Les fils de l’homme, les romans d’anticipation Colère  (Denis Marquet), The Only Ones  (Carola Dibbel) ou La parabole du semeur  (Octavia E.Butler).

DCH : La Chute des anges parle d’une dystopie. La création date de 2018, entretemps la pandémie est arrivée. Vous semble-t-il que le spectacle résonne particulièrement avec ce que nous vivons actuellement ?

Raphaëlle Boitel : Oui en effet, il est passé d’anticipation à quasi « actualité ». Il évoque une civilisation après une catastrophe, et même si on ignore laquelle, on voit bien qu’elle a provoqué un dérèglement de la société et une profonde altération de nos émotions. La pandémie actuelle lui donne surtout, malheureusement, toute sa crédibilité. Elle modifie un peu la couleur, mais aussi la perception du spectacle. Mais même si j’y esquisse un monde difficile et déshumanisé, j’y dessine également beaucoup d’optimisme, de rire, de solidarité, et les plus beaux aspects de la nature humaine. A sa sortie en 2018, des spectateurs me disaient «  vous avez une vision sombre de notre monde ! ». Le peu de fois où il a rejoué depuis la pandémie, on me dit aujourd’hui «  Ça fait du bien cet optimisme ! »

DCH : Vous préparez actuellement une création au Japon. De quoi s'agit-il ? 

Raphaëlle Boitel : Je réalise une version Japonaise de 5esHurlants, spectacle créé en 2015 et toujours en tournée et qui rend hommage au cirque et aux valeurs qu’il incarne. Nous créons au Théâtre Setagaya de Tokyo une version avec cinq artistes Japonais. C’est un projet qui occasionne de magnifiques rencontres entre deux très belles cultures et qui rappelle à quel point l’art en général et le cirque en particulier peuvent nous unir tous.

Propos recueillis par Thomas Hahn

La Chute des Anges de Raphaëlle Boitel

Théâtre National de Nice, du 15 au 17 septembre 2021

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