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« Entropie » de Léo Lerus
Arrivant en clôture de June Events, le très attendu, le jeune guadeloupéen, Prix Nigel Charnock à la meilleure création avec la pièce Fractal en 2013 et assistant chorégraphe des meilleurs, propose avec Entropie une pièce très finement composée. Et très sophistiquée sur le plan technologique. Mais qui oublie un petit détail : même le high tech doit obéir à la dramaturgie.
A les entrevoir, dans l'ombre, entrés un par un à jardin et s'arrêtant pour un discret entretien avec le maître de la régie, quelque chose se trame, sans doute… Puis ils se retrouvent sur scène, chacun dans un espace bien défini. Avec la musique, vient un mouvement délicat et chaloupé, un peu groovy, un peu sexy. Léo Lerus vient de Guadeloupe : ce n'est pas samba, ni salsa, un peu gwo ka qu'il étudia longtemps. Mais pas de folklore ni de reconstitution des soirées Léwòz pour une ressucée couleur locale. Cette danse est beaucoup plus fine, et faite plutôt d'une influence diffuse venue de l'histoire du mouvement et qui percole jusque dans les corps présents au plateau.
Ils sont donc maintenant tous les quatre, trois hommes et une femme, au centre, bien organisés et comme insérés les uns dans les autres dans un tissage contraint que ne désorganise pas la danse. Le fond luisant comme un écran se répète sur le sol, lumière chaude et chatoyante pour une gestuelle précise et des interprètes affutés dont les déhanchés sensuels sont pourtant calibrés et composés au millimètre. Cela se déroule très efficacement. D'une marche balancée à la file ordonnancée du groupe, l'une faisant face au trois autres, composant le mouvement en système de questions réponses, et affectant une sorte de rivalité, jouant sur la frontalité au public avec quelques décalages pour donner de la profondeur… Se succédant dans les soli comme une quasi battle. Identifiant le mouvement dans des douches lumineuses carrées. Et jouant du trio en tutti face au solo.
Galerie photo © Laurent Philippe
Léo Lerus connaît le métier, compose avec soin, danse avec finesse et engagement. Il a fait ses gammes chez les meilleurs : Wayne McGregor, Ohad Naharin et Sharon Eyal… Cela se voit et il ne démérite pas. Ses danseurs non plus.
Mais que fait celle-ci qui tripote la poche arrière d'un de ses partenaires ; que signifie ces changement d'éclairage soudain. Que signifie encore ces conciliabules très concentrés avec la régie discrètement si visible au plateau.
Il faut lire le programme (car il n'y a plus de feuille de salle et que – par égard pour les autres spectateurs – on ne consulte pas son téléphone pendant la représentation) pour apprendre que, parlant des interprètes, « jeu de théâtralité, de déséquilibres, leurs mouvements sont captés en direct pour agir sur l’environnement sonore et lumineux. » Ah bon ! Et pour quoi dire ? Car pour ne rien changer au fond de la dramaturgie de ce très efficace moment de danse, l'appareillage technologique et ses contraintes en reviennent à ce qui est de pire pour une œuvre : un détail anecdotique qui, comme toute anecdote gêne à l'appréhension du projet dans son ensemble.
Galerie photo © Laurent Philippe
Entropie de Léo Lerus interroge finement cette sensualité d'une danse caribéenne au cœur de la rigueur de composition – il y a là une recherche sur l'origine qui n'est pas sans importance, Katerine Dunham le prouva en son temps – mais qui ne gagne rien aux gesticulations de la technologie interactive, laquelle n'a de sens que si elle sert le propos. Ici, ce n'est pas le cas.
Philippe Verrièle
Vu le 4 juin 2021
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