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Vanves : Artdanthé se réinvente
Du 1er au 10 juillet, une édition estivale et particulière, dans les théâtres et l’espace public de Vanves.
La 23 ème édition, prévue en février, n’a pas pu avoir lieu (en raison de la pandémie, évidemment), mais une solution alternative avait été envisagée dès le départ. Le mois de juillet offre à Anouchka Charbey, directrice du Théâtre de Vanves et d’Ardanthé, la possibilité de présenter des compagnies accueillies en résidence à Vanves. Cette édition spéciale se déroule dans les salles et les espaces publics de la ville. Dans la lignée d’Ardanthé, sont présentées des compagnies émergentes et passionnantes, ou d’autres, au parcours particulier.
Ardanthé dans un parc
Si l’événement est plus ramassé que d’habitude, il peut fièrement hisser son pavillon. Car un festival de dix jours n’est pas forcément un festival court, même s’il est vrai qu’à Vanves, l’habitude est de durer et de voir grand. Abordons donc cette édition particulière par ses apparitions dans l’espace public. Le parc Frédéric Pic sera le théâtre de différentes interventions, déclinées en deux temps, le samedi 3 juillet. Apparition d’une horde de créatures masquées et sonores dans une procession entre carnaval, rituel et défilé. C’est Karnavals nomades de Mathilde Rance. Bref, poignant, envoûtant. Ensuite, place au twirling, avec Mélanie Potin, entraîneuse de cette version sportive de la majorette, dans sa rencontre avec la metteuse en scène et plasticienne Perrine Mornay. On quittera le parc après avoir assisté à Système d’Antoine Arbeit, une création en quatuor sur le thème des rotations et attractions des corps célestes. Une vision contemporaine du lien entre ciel et terre si chère à la danse baroque ?
Retour au parc, le samedi suivant avec le collectif Bilaka de Bayonne qui développe une approche contemporaine du patrimoine chorégraphique basque, dans l’ambition de renouveler la tradition des bals traditionnels basques. On pourra découvrir en même temps une installation sonore performative de Sergiu Matis, animée par trois danseurs en dialogue avec les voix d’oiseaux appartenant à des espèces éteintes ou en voie de disparition. D’où le titre, Extinction Room (Hopeless). Récits scientifiques concernant la disparition des espèces se mêlent aux chants et danses traditionnels. Ce travail liant mythes et recherche scientifique, deuil et liens sociaux est présenté en première française, en collaboration avec la Péniche Pop.
Cette après-midi dans le parc lance une journée riche, en bouquet final avec un nouvel épisode de la série Structure-Couple de Lotus Eddé Khouri & Christophe Macé : Believe, où leurs deux corps oscillent et vibrent dans l’écho de la voix de Klaus Nomi. Ensuite, dans Mégafauna – Récits de littoral #1 de Théo Bluteau & Jennifer Cabassu se déploie une narration autour de l’idéologie ultralibérale, sur fond de tsunami dans l’Océan indien, entre théâtre, danse, création sonore et installation plastique.
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Rites et rituels
Les soirées d’Artdanthé sont ainsi faites, et cela ne change pas pour cette édition estivale, qu’elles commencent dans la salle Panopée pour se poursuivre dans la grande salle, au Théâtre. Tout le monde traverse donc la ville et ce rituel ne changera pas. La soirée de clôture se poursuit donc avec Forces, un « rituel futuriste et immersif » pour trois guerrières cyborgs et des corps en constante mutation. Les chorégraphes Leslie Mannès, Thomas Turine et Vincent Lemaître annoncent « un tourbillon de forces primaires, telluriques et technologiques ». A noter que l’une des interprètes n’est autre que l’irréductible Mercedes Dassy qui mettra son audace au service de cette « métamorphose vitale, collective, émancipatrice » et sera dans pleinement dans son élément.
La nécessité de retrouver du sens par le rituel, parfois par un retour vers les civilisations anciennes, continue d’être présente dans cette programmation, entre autres avec Faon de Julie Gouju, un solo conçu autour du mythe d’Iphigénie et de l’imaginaire du sacrifice en Grèce ancienne.
Il faudra aussi profiter de l’occasion de suivre la trajectoire de Flora Détraz qui nous avait étonnés avec son Muyte Maker et poursuit sur sa voie entre chant et danse avec Glottis, un concert dansé où la glotte pourrait être une grotte où se croisent les forces invisibles et magiques de l’inconscient.
De l’autre bord, résolument contemporain, on trouve Julia Robert, altiste, compositrice et créatrice de spectacles entre musique et geste. Son solo Fame interroge le rite contemporain de l’adulation des célébrités et la part sombre du désir d’adulation, à travers un processus de transformation.
Rencontres avec l’histoire
On retiendra ensuite la présence de la compagnie K622 de la regrettée Mié Coquempot avec New York School, un programme qui réunit deux pièces fondatrices de la chorégraphe: An H to B, son premier solo, inspiré de William Forsythe ainsi que le solo très physique Nothing But (1998) et Sans Objet (2004), le tout sur des musiques d’Earle Brown et interprété par des danseurs tout sauf inconnus (Jérôme Andrieu, Jazz Barbé, Maud Pizon, Nina Vallon).
Une rencontre bien plus improbable a ici lieu entre danse classique et danses urbaines grâce à Joseph Simon (Pays-Bas) qui vient de la danse break et est passé par la danse contemporaine pour s’intéresser finalement aux Ballets russes de Diaghilev. Son duo intitulé Ballet Russe fait se croiser l’univers de la compagnie qui révolutionnait la danse il y a un siècle et les danses house, break, popping et dancehall.
Ou bien le baroque : Dans le trio féminin Cuivre (Rame), Lorena Dozio s’inspire de cette période pour questionner la transformation des corps dans un dispositif plastique et chorégraphique en constante évolution. Les trois interprètes évoluent dans un triangle étiré, qu’elles plient et déplient au gré de leurs mouvements.
Thomas Hahn
Image de preview Forces © Hichem Dahes
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