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« Colossus » de Stephanie Lake
Colossus est la première œuvre entièrement créée par internet et à distance par la chorégraphe australienne Stephanie Lake et 55 élèves du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris. Colossal !
Colossus de Stephanie Lake, est d’abord un défi : conçu en pleine pandémie, la chorégraphe australienne ayant été interdite de déplacement – comme tous ses compatriotes – a donc imaginé de nouveaux processus de répétition totalement à distance avec 55 élèves du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris. Inutile de dire qu’il a fallu un travail littéralement colossal pour venir à bout d’une telle pièce en seulement quatre semaines via la plateforme Zoom, qui a non seulement été le théâtre de la recréation de cette pièce grand format mais a aussi servi à régler les éclairages, travailler les costumes, bref, monter tout un spectacle depuis l’autre bout de la planète. Et… c’et une réussite !
Allongés au sol et formant un cercle, tout commence, un peu sans surprise, par une démultiplication du mouvement, qui se propage d’un corps à l’autre, en onde ou en vague. Si l’effet est garanti, et assuré à la perfection par les élèves du CNSMDP, il n’est pas nouveau et a été amplement développé depuis Etienne-Jules Marey, notamment dans les chœurs en mouvement des années 1930, et plus récemment par Crystal Pite avec les danseurs de l’Opéra de Paris. Heureusement, Stephanie Lake a vite dépassé ce motif répercussif, en mettant tout le monde debout dans un espace courbe, qui bien que vaste, pouvait sembler saturé. Et c’est bien sur ce paradoxe que la chorégraphe a construit une danse chorale extrêmement inventive à la gestuelle originale, travaillant le groupe au corps.
Galerie photo © Laurent Philippe
A la fois chœur antique, moderne, système, organisme, horde, entrelacs, nuée, essaim, masse, défilé, meeting, attroupement, groupe et communauté les étudiants du conservatoire traversent des pans entiers d’une histoire de la danse et de l’humanité réunies par la synergie de « faire ensemble » ou de faire société. On peut y voir des danses guerrières, des unissons type danse rythmique à la Dalcroze, de la danse répétitive et minimaliste, un vague souvenir de Béjart, ou d’Ohad Naharin, des solos stupéfiants, des bonds surprenants, des qualités de mouvement époustouflantes, et surtout une singularité chorégraphique avec des figures nouvelles, étonnantes, rafraîchissantes par leur liberté. Au fil de l’heure se dessinent des personnalités, des façons de vivre, d’entrer dans la danse…
Galerie photo © Laurent Philippe
Les étudiants du conservatoire sont exceptionnels, non seulement par leur niveau technique, mais surtout par leur versatilité, leur remarquable cohésion de groupe conjuguée à des individualités affirmées. Ce sont des virtuoses inassignables à une seule discipline. Ensemble, ils représentent la jeunesse et la danse d’aujourd’hui, heureuse de retrouver les planches, une jeunesse diverse, éclectique, curieuse, solidaire, sans qu’il semble nécessaire de le décréter ni de le proclamer.
Stephanie Lake se dit très reconnaissante à Chaillot-Théâtre national de la Danse d’avoir proposé cette solution à distance alors qu’elle pensait devoir tout abandonner. Et nous aussi.
Agnès Izrine
Vu le 2 juin à Chaillot-Théâtre national de la Danse
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