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« La Machine » de Valeria Giuga
Le festival Signes de printemps nous a permis de découvrir, en comité restreint, comme il se doit, la création de Valeria Giuga, La Machine.
Une « installation interactive » est présentée en prélude d’un spectacle chorégraphique interprété par trois danseurs contemporains, en l’occurrence Marie-Charlotte Chevalier, Antoine Arbeit et Aniol Busquets.
L’appareil tient du scopitone, successeur du soundie, qui diffusait par rétroprojection des clips musicaux filmés en 16 mm, scopitone qui tenta de remplacer le juke-boxe dans les cafés, au début des années soixante et contribua à la gloire des chanteurs de variétés et autres yéyés en France, grâce à la productrice de films Daidy Davis-Boyer et à des réalisateurs tels que Claude Lelouch, François Reichenbach et Alexandre Tarta, mais aussi de la machine à sous de fête foraine, avatar du nickelodeon et du kinétoscope.
En glissant un jeton dans la fente du dispositif, on peut visionner une courte chorégraphie qu’il est loisible de danser soi-même face à une image vidéo et non plus face à un professeur ou à un miroir. À l’issue de cette expérience, le participant a droit à un ticket imprimé gardant trace du solo dans l’écriture Laban.
La création chorégraphique éponyme de Valeria Giuga se réfère moins à la danse d’expression apparue au Monte Verità vers 1913 qu’à celle du plasticien visionnaire Oskar Schlemmer, nous a-t-il semblé. Pas nécessairement au ballet triadique proprement dit, même si celle-ci est aussi dansée par un trio, plutôt à des exercices de style, élémentaires ou élémentaristes pratiqués par les élèves du Bauhaus à Dessau, annonciateurs de la danse minimaliste d’après-guerre.
Galerie photo © Nicolas Villodre
D’abord en silence, puis sur un « poème » d’Anne-James Chaton et d’une trame musicale d’Andy Moor, les danseurs explorent en tous sens le bel espace du Regard du cygne en nous gratifiant d’un ballet abstrait parfaitement structuré. La composition qui se dégage est d’autant plus intéressante qu’elle n’est pas synchrone avec la bande sonore. Comme si la danse refusait de se soumettre aux injonctions d’un maître à danser, d’un instructeur, d’un supérieur hiérarchique. Il faut dire que les consignes vocales d’inspiration labanienne (« en avant, en avant-droite, à droite, en arrière-droite », etc.) sont nombreuses, impérieuses, laconiques, qui plus est édictées à un tempo soutenu, comme pour un entraînement de commando.
La durée idéale de la pièce, sa clarté formelle à base de signes nets et précis ou de signaux perceptibles du plus loin, l’élégance des interprètes vêtus de noir et de blanc, produisent un résultat très convaincant. Le public d’invités a chaleureusement rappelé le trio.
Nicolas Villodre
Vu le 26 février 2021 au Regard du cygne, dans le cadre du festival Signes de printemps.
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