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« Le Lac des Cygnes » de la Cie L’Eolienne
Une énième version du célébrissime ballet de Petipa-Ivanov ? Oui, mais venue cette fois des arts du cirque par l’ « acro-chorégraphe » Florence Caillon, également autrice de l’arrangement musical de la pièce à partir de la partition de Tchaïkovski.
Ce Lac insolite était l’un des spectacles présentés à Marseille dans le cadre des journées professionnelles de la Biennale des Arts du Cirque, annulée en raison des mesures sanitaires. Sur la soixantaine de spectacles initialement programmés, une vingtaine ont ainsi été «sauvés » par l’équipe pilotée par la Cie Archaos - Pôle national du Cirque, avec le soutien actif de la Fondation BNP Paribas.
Interprété par cinq circassiens et danseurs, il offrait du mythe une lecture à la fois décalée et fidèle. Prenant le titre au pied de la lettre, Florence Caillon mettait en effet en scène, sur un plateau nu, des créatures en tutus blancs et noirs qui dans une semi pénombre, semblaient presque de véritables plumes. En équilibre sur la tête fesses en l’air ou jambes tremblotantes vers le ciel, ces volatiles plus vrais que nature, agités de sauts erratiques et pieds en dedans, étaient loin de toute idée de grâce ou élévation associée à l’image du cygne, mais indéniablement proches du comportement de ces volatiles. Ce qui, dans l’œuvre originelle, aurait été le pas de deux de la rencontre du Prince et du Cygne blanc se transformait ici duo comico-dérangeant auquel l’irruption soudaine d’une ballerine enchaînant les déboulés apportait, telle une image subliminale, un contrepoint poétique. Quant aux étreintes, qui tenaient plus du corps à corps que de la fusion amoureuse, elles étaient précédées du combat de deux mâles s’affrontant pour la conquête d’un cygne femelle.
Pourtant, dans cet univers délibérément animal, un cygne noir se livrait, comme dans l’œuvre d’origine, à un impressionnant solo - ici un numéro de contorsionniste -, dont la virtuosité faisait écho aux fouettés virtuoses de la maléfique Odile, ici assumés à l’improviste par un cygne blanc. Et lorsqu’au fil d’une partition électro qui s’attachait elle aussi à suivre les rebondissements dramatico-musicaux imaginés par Tchaïkovski, surgissait une scène de breakdance, on pouvait y voir, peut-être, une version 2021 des fameuses danses de caractère.
Entre danse et acrobatie, citations du ballet classique et gestuelles contemporaines, les interprètes rebattaient également d’autres cartes : leurs corps féminins ou masculins, indistinctement vêtus de la même panoplie de cygnes, brouillaient les codes du genre dans un entre deux troublant. De même, leurs déplacements et leurs échanges semblaient mus par d’autre lois que celle de l’argument du ballet, tout en en suivant la trame, renouvelant ainsi la dynamique entre l’individu et le groupe, comme les relations entre partenaires.
Bien que la tension ne se maintienne pas tout du long au même degré d’intensité, que la pièce eut gagné à être raccourcie d’une bonne quinzaine de minutes et que son déroulement semblât parfois peu lisible, il y avait là matière à voir et à ressentir. Soit l’essence même du spectacle vivant.
Isabelle Calabre
Vu le 5 février 2021 salle Archaos à Marseille, dans le cadre de la BIAC 2021
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