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« Composer en danse - Un vocabulaire des opérations et des pratiques » d’Yvane Chapuis, Myriam Gourfink et Julie Perrin

L'historienne de l'art Yvane Chapuis, la chorégraphe Myriam Gourfink et l’universitaire Julie Perrin nous proposent un copieux ouvrage traitant de l’art ou de la science de composer en danse.

De composer, et non nécessairement de chorégraphier, la danse ayant été élargie depuis les années 70 à la performance – sans remonter aux actions d’éclat des serate futuristes, des manifestations pré et post-dadaïstes, des actions surréalistes, lettristes, des events et autres happenings. De composer en danse et non la danse ou avec la danse. L’objet se présente comme un beau livre, sérieux en apparence, austère, pour ne pas dire calviniste.

Les photos et les illustrations graphiques l’émaillant sont en noir et blanc. Les seules fantaisies que s’autorisent auteures, éditeurs et designers du studio DeValence résident dans le choix des polices de caractère, les teintes et grammages du papier. Un beau livre, donc, un gros livre également. Près de 600 pages. Plus d’un kilo et demi. Du bel ouvrage aussi, sans aucune coquille, avec un appareil de notes, une bibliographie et deux index.

Au lieu de faire appel à des contributeurs énonçant en congrès ou sous forme d’articles le résultat de leurs cogitations, les auteures ont opté pour une méthode, disons sociologique, celle de l’enquête auprès d’un échantillon de chorégraphes représentatifs.

Ce corpus de neuf ou dix créateurs interviewés (Myriam Gourfink étant à la fois observatrice et observée, en somme juge et partie) mériterait sans doute d’être lui-même interrogé.

Toujours est-il que le but poursuivi était « de rendre compte, à travers le vocabulaire qu’ils emploient, des positionnements artistiques et des pratiques de composition d’un petit groupe de chorégraphes actifs aujourd’hui : Marco Berrettini, Nathalie Collantes, DD Dorvillier, Myriam Gourfink, Thomas Hauert, Rémy Héritier, Daniel Linehan, Laurent Pichaud, Loïc Touzé, Cindy Van Acker. » Les membres de ce panel, arbitrairement ou consensuellement établi constituent ce que les auteures appellent une « communauté. » Les échanges oraux entre ces heureux élus, qui ont pris trois ans et partie de leur temps, retranscrits dans ce recueil, sont qualifiés d’« aventure. »

Le résultat des courses est une vingtaine de notions qui constituent le vocabulaire de base de la composition en danse, tout au moins dans le domaine de ce qu’il est convenu d’appeler « la création chorégraphique contemporaine. » Ou, si l’on préfère, d’autant d'opérations « qui donnent forme et sens aux œuvres. » Le pluralisme et l’hétérogénéité compositionnels sont prônés, bien entendu à l’intérieur du cadre fixé évoqué supra. 

Suivant leurs affinités, les chorégraphes privilégieront telle ou telle notion parmi la vingtaine listée : adresser, assembler, choisir, citer, collectif, contexte, contrainte, dramaturgie, espace, indétermination, in situ, matériau, musique, partition, pratiques, rythme, structure, tâche, transposer, unisson.

On voit que les verbes d’action dont la danse occidentale a fait usage, de l’époque baroque à celle de la libération isadorienne (cf. les deux dernières pièces de Jérôme Bel qui reprennent ces infinitifs injonctifs) se mélangent ici à des thèmes (ou items) esthétiques. Il est remarquable qu’une communauté de la danse réduite aux acquêts puisse illustrer à elle seule, à partir de nombre de séances de brainstorming, une telle exhaustivité conceptuelle.

Nicolas Villodre

Yvane Chapuis, Myriam Gourfink et Julie Perrin, Composer en danse - Un vocabulaire des opérations et des pratiques, Dijon, Les presses du réel, 2020, 592 p., 36 €.

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