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Les projets de la rentrée d’Ambra Senatore

Trois créations et d’autres nouveautés chez la directrice du CCN de Nantes. Interview. 

Danser Canal Historique : Vous vivez une rentrée très chargée, avec trois création en cours, appelées à être présentées entre octobre et décembre. Il s’agit d’un quatuor dansé, de duos musicien-danseur et d’un duo humoristique que vous cosignez et interprétez avec le chorégraphe Marc Lacourt. 

Ambra Senatore :En effet, nous allons d’abord créer Quatuor, le 17 octobre au festival Torinodanza de Turin. Mais le titre est encore provisoire, et c’est vrai aussi pour le spectacle. Nous devions le répéter au printemps et le confinement nous en a empêché. Donc nous allons de nouveau répéter après la représentation à Torinodanza. La forme définitive sera présentée le 27 janvier 2021 à Château-Gontieret à Paris, au Théâtre des Abbesses, du 10 au 13 février 2021. 

DCH : Quelle est aujourd’hui la situation en Italie ? Dans quelles conditions les théâtres peuvent-ils ouvrir leurs portes ?          

Ambra Senatore : Les conditions sont difficiles.Le festival Torinodanza est maintenu, mais selon les normes italiennes les salles ne peuvent accueillir que 25% du public. Nous danserons donc devant 100 personnes dans une salle de 400. Et nous sommes tous testés régulièrement au coronavirus. C’est très compliqué, puisque les interprètes du quatuor vivent dans trois pays différents. Nous passons la moitié de notre temps à comprendre comment nous pouvons gérer cette situation. Et les annulations pleuvent, notamment pour nos projets participatifs, surtout notre spectacle de bal, Giro di pista.Nous nous efforçons à trouver des solutions alternatives, en fonction de la disponibilité des danseurs. Nous n’arrêtons pas de refaire nos plannings. Pour notre chargée de diffusion, c’est un vrai supplice. 

DCH : Malgré ces conditions pour le moins complexes, vous multipliez les créations. 

Ambra Senatore : On peut aussi bien dire que c’est à cause de ces conditions.Avec toutes ces difficultés à répéter et à tourner, nous nous sommes lancés, dès la levée du confinement, dans un nouveau projet, que nous avons imaginé sur mesure pour être compatible avec les normes sanitaires. C’est un formule à deux, pour un danseur et un musicien, portée par deux danseurs et deux musiciens, ce qui nous donne quatre constellations possibles. Nous voulions la répéter à l’automne, mais nous l’avons avancée et comme les quatre interprètes sont nantais et il était donc possible de répéter, une fois que nous étions déconfinés. Le titre est Partita, puisque c’est dansé sur la Partita n° 2 pour violon seul de J.S. Bach. Partita était prévu pour être donnée en extérieur, mais nous l’avons adaptée pour la salle, en donnant deux duos qui se suivent. Nous proposons ce spectacle à la place de Giro di pista. 

DCH : Vous créez aussi un duo avec Marc Lacourt, Il nous faudrait un secrétaire… Nous venons de voir, au Temps d’aimer à Biarritz, son solo La Serpillère de monsieur Mutt [lire notre critique], où il pratique déjà la manipulation d’objets que vous continuez ensemble. Force est de constater que vous partagez avec lui un esprit assez loufoque et une approche facétieuse de la danse. 

Ambra Senatore : En effet, nos chemins se sont croisés sur cette base, mais nos styles sont quand même assez différents. Il a été interprète dans plusieurs de mes spectacles et comme vous le savez, les interprètes sont chez moi des co-créateurs, pas des exécutants. Ensuite, nous avons cosigné Giro di pista, et maintenant ce duo pour tous publics. Les premières auront lieu à Bordeaux les 3 et 4 décembre, au CDCN La Manufacture. 

DCH : Vous annoncez aussi avoir choisi une artiste associée : Satchie Noro. 

Ambra Senatore : La présence d’un.e artiste associé.e faisait partie de notre projet pour le CCN de Nantes sur lequel j’ai été choisie, mais ce n’est que très récemment que nous avons finalement obtenu les moyens financiers nécessaires. Notre choix s’est porté sur Satchie Noro parce qu’elle travaille aussi avec la population, et avec des personnes en difficultés. Elle pourra ainsi mener des projets dans deux quartiers, un à Nantes et un à Châteaubriant. Ses grands formats pour l’espace public qui peuvent être vus par un grand nombre de personnes nous intéressent également,  mais elle sera bien sûr aussi en résidence de création au studio du CCN. 

DCH : Vous lancez Les Curieux Jeudis, un rendez-vous régulier où le public pourra découvrir des travaux en cours et autres formes de présentation.  

Ambra Senatore : Les Curieux Jeudis ne sont pas tout à fait une nouveauté, mais le rendez-vous devient plus régulier. En septembre/novembre, on pourra voir les créations en cours d’Yvan Alexandre, Louis Barreau, Elise Lerat et beaucoup d’autres formats. Certes, les compagnies se seront ici pas vues par beaucoup de professionnels, mais elles peuvent tester leurs idées face au public, et c’est précieux. Pour les spectateurs, l’entrée est à chaque fois gratuite. 

DCH : Comme tous les CCN, vous pratiquez l’accueil studio, actuellement à l’intention du Collectif Allogène et de la Cie Louis Barreau. Comment se déroule une résidence au CCN Nantes ? 

Ambra Senatore : Leur durée est d’une semaine, voire deux, sachant que le CCN Nantes ne possède pas de logements pour les artistes accueillis. Pour des compagnies qui ne sont pas de la région, le budget pour le logement peut donc être important et certaines préfèrent ne venir que pour une semaine, pour mieux profiter de l’enveloppe financière qui est la même pour chaque compagnie. 

Nous recevons huit compagnies par an en accueil studio, mais nous soutenons environ cinq autres compagnies par an avec des sommes moindres. Pour les soutenir au mieux, nous cherchons des solutions par la coopération avec d’autres lieux locaux et régionaux, et heureusement, nous sommes sur un territoire où l’on est bien disposé à échanger. Aussi nous avons sur Nantes plusieurs partenaires dont Yvann Alexandre avec son lieu de création et il nous arrive de joindre nos forces avec les siennes pour soutenir une compagnie. Nous coopérons ainsi avec des lieux de tous les formats, de l’Opéra à des lieux indépendants qui font un travail formidable avec très peu de moyens, comme le 783, un lieu géré par la compagnie 29x27/Association Lhaksam. 

DCH : Vous êtes également en train de préparer un nouveau site internet consacré à votre univers artistique. 

Ambra Senatore : Ce site internet, qui s’appelle Echos, représente ma démarche artistique et la met en relation avec d’autres univers, dans la danse et au-delà. Je voulais créer un outil pédagogique et interactif à l’intention de personnes qui n’ont pas vu mon travail et ne le verront peut-être jamais. La présentation de ma démarche est donc un prétexte pour m’adresser à un public jeune et inexpert en danse, en lui parlant de la danse contemporaine dans un sens plus large et à travers d’autres approches artistiques qui peuvent être reliés à mon travail. Jacques Tati, par exemple, puisqu’on cite souvent son nom par rapport à mon style. Le site offrira cinq parties, entre autres pour parler de la danse contemporaine, et une partie qui propose des jeux. Il existe grâce au financement des collectivités territoriales et il est, entre autres, relié par le site du CCN de Nantes. Mais j’espère qu’il continuera à exister de façon autonome après la fin mon mandat à la direction du CCN qui est bien sûr d’une durée limitée. 

Propos recueillis par Thomas Hahn, le 26 septembre 2020

CCN de Nantes

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