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« Gömböc » d’Antonin Comestaz

L’occasion de faire connaissance avec un chorégraphe français travaillant aux Pays-Bas. Découverte au Temps d'aimer.

Les chorégraphes français ne sont pas nombreux à travailler dans les pays non francophones et il est plus rare encore qu’ils se fassent ensuite connaître en France. Antonin Comestaz en est un bel exemple, puisqu’il nous est parfaitement inconnu. Le chorégraphe de Gömböc est pourtant un Parisien « de souche », mais sa carrière de danseur, commencée au Ballet de l’Opéra de Paris (1999-2000, en surnuméraire, donc remplaçant) l’a ensuite amené chez John Neumeier au Ballet du Staatsoper de Hambourg, aux ballets de Munich et de Mayence, et finalement au Scapino Ballet de Rotterdam. 

Le voilà aux Pays Bas où il a pu s’affirmer en tant que chorégraphe, et ce au prestigieux NDT. Sa venue au Temps d’aimer a été sa première apparition en tant que chorégraphe sur la sol français, soulignant à la fois l’intérêt de Thierry Malandain en tant que directeur artistique pour une danse en lien avec l’univers du ballet et les liens intenses entre Le Temps d’aimer et la maison Korzo productions. Kesako ? 

L’axe La Haye-Biarritz

Gömböc est en effet produit par Korzo, une structure implantée à La Haye, qui gère un lieu de diffusion, des festivals et un bureau de production, selon un modèle très différent du paysage chorégraphique français. Thierry Malandain a développé des liens intenses entre Le Temps d’aimer et Korzo, qui présente régulièrement des créations au rendez-vous biarrot. A vrai dire, ce n’est pas ce solo qui devait être présenté au Temps d’aimer, mais For all we know, une pièce pour cinq danseurs. Au printemps cependant, le coronavirus  a empêché les répétitions et provoqué plusieurs annulations dans la tournée de cette pièce. Comestaz a alors décidé de créer un solo pour la danseuse Ema Yuasa, une pièce ressemblant à une mosaïque, faite de petites séquences représentant un « rêve éveillé », comme une voix explique au début de la pièce. 

Objet improbable

Le gömböc est un objet hautement improbable, créé par un mathématicien à la recherche du déséquilibre maximal. Il doit son existence à l’impression 3D. Avec deux points d’équilibre (dont un stable et un instable (alors que tout objet identifiable en possède au moins quatre), le gömböc met un temps maximal et ne cesse de se renverser, avant de trouver son point d’équilibre et donc une position stable.  Les chavirements de ce dé amorphe, toujours à la recherche de son équilibre, ont inspiré le regard inédit sur le corps humain qui sous-tend ce solo. Porté par une interprète au corps très élastique, il crée un langage et une articulation du corps parfois surprenants. 

En même temps, Comestaz et l’interprète de la pièce, Ema Yuasa, semblent s’amuser de certains détracteurs de la danse contemporaine qui aiment accuser cet art si créateur de ressembler à de la gymnastique.

Alors que dire de ce solo, qui puise visiblement dans l’univers sportif ? Gömböc se positionne dans l’axe de chorégraphes qui revisitent un langage lié à une danse spécifique ou un sport, pour porter un regard nouveau sur un vocabulaire très codifié. Mais si Comestaz parsème ce solo de pas issus du patinage artistique ou de la gymnastique sportive (ou des danses urbaines, selon le regard qu’on y porte), Gömböc ne se livre pas à un discours sur une gestuelle, mais se place sur un terrain métaphorique, pour dessiner un portrait de l’âme humaine en temps de confinement, distanciation sociale et autres bouleversements. 

Galerie photo © Rob Hogelslag

Rebondir !

Ces circonstances menacent forcément toute personne, et les danseurs encore davantage, de remettre leur vie en question et de  s’accrocher pour ne pas perdre l’équilibre. La métaphore du gömböc parle de cet équilibre mental et vital, des rêves et de cauchemars, du désir d’une condition autre, de l’envie de danser et de séduire, et des doutes existentiels, dans une succession rapide de tableaux très concis. Ce qui peut donner l’impression que ce kaléidoscope d’images divagantes cherche encore sa cohésion définitive. Mais les rêves sont libres, et Gömböc reflète aussi les circonstances de sa création. On espère d’autant plus qu’on pourra voir, l’année prochaine, For all we know, pour continuer à découvrir ce chorégraphe expatrié à l’écriture improbable. 

Thomas Hahn

Spectacle vu le 18 septembre, festival Le Temps d’aimer, Biarritz, Théâtre du Casino

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