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« Chaillot 4 House » d’Ousmane Sy
Ousmane Sy est parvenu à se faire un prénom. Il fait partie de la direction quadricéphale du Centre chorégraphique de Rennes, rebaptisé FAIR(E). Mot franglais écrit en capitales qui traduit une volonté d’action, un désir d’équité, une recherche de clarté et de beauté, un programme festif. Ce dernier souhait ou quatrième vœu a prévalu au long de la copieuse soirée Chaillot 4 House qui a marqué la reprise des spectacles au théâtre national de la danse.
Nous avons eu la sensation d’être, littéralement, téléporté, au temps de la première émission de télévision consacrée au hip hop dans le monde, celle de Sidney, un musicien et disc-jockey d’origine antillaise natif d’Argenteuil, qui rendit compte de différentes disciplines le constituant – graffiti, scratch, danse et mode – peu de temps avant la privatisation de TF1. Et il est certain que Sy possède un don comparable d’animateur à celui de son illustre aîné, auquel s’ajoute une connaissance technique des danses de rue et de celles des clubs de nuit, sans parler d’un goût sûr en matière de choix artistiques. À cet égard, Il convient d’emblée de souligner l’engagement du DJ Sam One qui, près de deux heures trente durant, a assuré l’illustration musicale de l’événement dans le style houseavec la juste amplification de l’immense salle et une qualité de diffusion remarquable, grâce aussi au savoir-faire du personnel technique de l’établissement.
Galerie photo © Laurent Philippe
La réussite de l’entreprise s’explique par le parfait dosage d’un cocktail qui mixe des ingrédients a priori incompatibles suivant une formule qu’on pensait périmée, celle du concours de danse dont les excès étaient déjà dénoncés en 1935 par Horace McCoy dans son roman They Shoot Horses, Don't They ? Ainsi, des essences ou extraits de voguing, une danse qui mime la démarche des top models lancée dans les années 70 par la communauté afro-américaine gaie de New York sont ici assimilés au hip hop. La B.O. house permet au voguing, représenté à Chaillot par deux concurrents, comme à d’autres styles de danse de s’exprimer, que ce soit le popping, le locking, le new style, le hype, le toprock, le dancehall, voire le flamenco ! On ne chipotera pas les quelques faiblesses du show : sa durée excessive, l’effet de doublon avec le ballet féminin de Paradox’sal, moins au point que celui de la Cie Emka, l’amateurisme de certains compétiteurs compte tenu de ce qu’on a pu et on peut voir ailleurs, depuis le renouveau des danses urbaines en France dans les années 90 jusqu’aux manifestations de Juste debout attroupant plus de quinze mille spectateurs à Bercy, en passant par les événementiels de RStyle.
Galerie photo © Laurent Philippe
Salle Jean Vilar, tout était bon enfant et, surtout bon esprit, comme à l’époque des spectacles de danses urbaines à La Villette organisés par le Théâtre contemporain de la danse et aux débuts de Suresnes cités danse. Mentionnons les noms ou, au moins, prénoms des danseurs de cet affrontement ludique, par ordre d’entrée en scène : Candyman, Joël Tenda, Frankwa, Mwendwal, Odile, Laura Nalas, Mounia, Nadeeya, Marina et Yanou.
Nous n’avons pas toujours été d’accord avec le jury qui était composé des vétérans Yugson et Physs et n’avons pas compris l’élimination injuste du talentueux et, surtout, novateur gestuel, le Spinassien Joël Tenda, ni le résultat final classant première la danseuse Nadeeya, là où il eût peut être fallu s’en tenir à deux candidates ex-aequo – Mwendwal, la danseuse classée dauphine, ayant fait montre d’élégance, d’une souplesse féline et d’en grande variété d’enchaînements. Mais cela n’a pas paru gêner outre mesure un jeune public venu nombreux qui a manifesté sa joie et sa ferveur à diverses reprises. Ces imperfections ont aussi évité au spectacle de tomber dans le show télé lisse et formaté.
Nicolas Villodre
Vu le 19 septembre 2020, Salle Jean Vilar, à Chaillot.
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