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Chloé Hernandez et Orin Camus : « Si nous prenions le temps »

Un duo entre auto-fiction et auto-utopie, qui remet les pendules à l’heure : Il est urgent de prendre le temps de vivre ! 

On se souvient d’Orin Camus, quand il fonda, avec Chloé Hernandez et Amala Dianor, la compagnie CdanC. Beaucoup de temps s’est écoulé depuis. Dianor court et crée, crée et court. Hernandez et Camus ont choisi un rythme beaucoup plus calme et le mettent en scène dans un nouveau duo qui pourtant ouvre des perspectives de très belle allure. 

Si nous prenions le temps : Le titre est une proposition sous forme de question qui paraît évidente, mais est bien plus difficile à mettre en pratique. Par la beauté de leur duo, Camus et Hernandez montrent pourtant la pertinence de leur suggestion. Ils ont pris le temps. De vivre, et puis de créer. Ils partagent la vie, mais n’avaient pas créé de duo depuis une décennie. Et se sont interrogés : Où en sommes-nous, dans notre relation, dans notre rapport à la danse ? Bien décidés d’affronter ces questions, ils se sont réunis. Pas seulement dans un studio, mais dans l’esprit et un effort de sincérité qui est la base du travail entrepris. 
 

Retour à l’essentiel

De tels duos qui font le point sur une relation à deux, son état actuel et son évolution, ne laissent rien au hasard et tendent des miroirs hautement instructifs au spectateur, que la relation s’articule entre les deux partenaires d’un couple ou dans une relation intergénérationnelle. Il n’y là pas de place pour le discours ou la théorie. On est dans le vrai et on y reste. 

C’est tout le propos d’Orin et Hernandez dans ce duo : un retour à l’essentiel, à la simplicité et à la plénitude. Trouver la racine profonde d’une relation à partir de laquelle se créent des images corporelles de cette fusion. Sans se mettre la pression. Ils se sont installés dans un village du Sud-Ouest où ils ont créé un modèle économique qui les déleste de la chasse permanente aux coproducteurs institutionnels. Aussi leur duo est-il l’affirmation réussie d’une indépendance.

Images d’une humanité-source

Quand la pièce commence, c’est un hermaphrodite qui sort du noir et se voit jeté dans la frénésie du monde, à laquelle les deux entités, leur séparation consommée, s’adonnent plutôt joyeusement. Après tout, nous sommes tous complices du monde dans lequel nous évoluons. Sur le plateau, le couple passe alors à la subversion par la beauté et la douceur. Sans kitsch superficiel, mais en retraçant des cheminements ancestraux, souvent circulaires où s’exprime une humanité-source. La simplicité des images véhicule une dimension subliminale, où le corps se dissout parfois dans d’étonnantes vibrations lumineuses et atteint une présence à la fois furtive et stable, réelle et irréelle. 

Et parfois les deux corps se fondent en un seul, par un ballet des pieds et des mains qui rappellent Shiva autant que le Kama Sutra. Leur union créé un plus, au-delà de la simple addition, une évidence bien plus efficace que tous les discours ou démonstrations. Si nous prenions le temps réhabilite le temps comme complice au lieu d’être une machine à broyer, pour vivre grâce au temps et non malgré lui. Ce duo ouvre des brèches de possibles et est à regarder comme une expérience. Bien plus qu’un spectacle, donc. Un oasis, à considérer comme une séance somatique qui devrait, en considérant ses bienfaits, être remboursable par votre mutuelle. 

Thomas Hahn

Spectacle créé le 12 février au Glob Théâtre, Bordeaux

Conception et interprétation : Chloé Hernandez et Orin Camus
Création musicale : Fred Malle
Création lumière et régie générale : Sylvie Debare
Assistant chorégraphie : Vincent Deletang

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