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« Mes Hommages », création de Thomas Lebrun
Françoise Michel, Thomas Lebrun et Odile Azagury présentent trois solos poignants et poétiques sur la mémoire, la transmission et l’histoire d’une vie.
La soirée débute avec Françoise Michel, princesse de la lumière et de la scénographie aux côtés de sa compagne Odile Duboc dont elle a cosigné toutes les créations. Alors oui, Françoise n’est pas danseuse, mais au fil de ces années si riches en multiples expériences, elle a acquis la notion du mouvement dansé.
Sa personnalité et sa présence explosent dès qu’elle apparait seule en scène vêtue d’un tailleur pantalon bleu et d’un bonnet. Avec un indéniable raffinement, elle déploie subtilement quelques déplacements alors que, d’un seul coup, la voix d’Odile Duboc envahit toute la salle et nous submerge dans un bain d’émotion. Il est alors étonnant de constater que la mémoire auditive ne se tarit jamais. Immédiatement, ce coup de poing dans le cœur fait ressurgir tant de souvenirs, nous rappelle ces soirées à applaudir ses magnifiques créations, son style si personnel et cette femme généreuse, pointilleuse, drôle et tellement inventive.
De fil en aiguille, accompagnée par des extraits très discrets du Boléro et des différentes musiques qui ont marqué l’histoire de la chorégraphe, l’univers du plateau est délicatement décrit par Françoise. Ses gestes, son sourire, les lumières, les couleurs et la matière de l’immense voile posé au sol dont elle se recouvre, dessinent avec justesse toutes ces œuvres magistrales signées par ces deux femmes exceptionnelles.
Un hommage pudique, intime, émouvant et vibrant qui, étonnamment, n’a strictement rien de triste, mais, bien au contraire, provoque une formidable énergie et une certaine forme de purification.
Galerie photo © Frédéric Iovino
Ensuite, Thomas Lebrun entre en scène avec une robe de mariée blanche pleine de paillettes qu’il pose sur le sol. « Messieurs dames bonsoir. Bienvenue et merci d’être avec nous ce soir. » dit le chorégraphe avec, comme à son habitude, un regard coquin qui laisse présager un humour débordant pour évoquer sa Petite famille. « Mon père faisait le grand écart au milieu de la piste et était apparemment bien foutu. Comme quoi, en ce qui concerne l’héritage génétique, on n’hérite pas toujours du meilleur » Eclat de rire de la salle ! « Pour le reste, je suis plutôt fier et heureux de ce que m’ont transmis mes parents. Et je les remercie. »
Terriblement naturel et souvent ému, le danseur évolue sur des chansons dont il indique le titre et l’interprète. Elles ont ponctué sa vie. Ainsi, il cite ses grands-parents paternels et maternels et surtout sa mère. « Vous vous demandez « pourquoi cette robe ? », eh bien, quand j’étais petit, je disais à ma mère que quand je serai grand, riche, quand j’aurais de l’argent… je lui offrirai la plus belle robe de princesse. Aujourd’hui, j’ai bien compris que même si je lui offrais cette robe… elle ne la mettrait jamais. » raconte Thomas tout en enfilant la robe si clinquante.
En avouant son amour pour les déguisements, les spectacles de french cancan qu’il s’amusait à inventer avec sa sœur le mercredi après-midi, on comprend mieux l’origine de la plupart des créations du chorégraphe. D’ailleurs, Palmyre, la mère de sa mère lui disait : « toi tu finiras comme mon frère, Louis Leblanc, danseur dans les cabarets mondains à Paris pendant la guerre. Elle n’avait pas vraiment tort vu le métier que je fais aujourd’hui ! »
Afin de fermer en douceur et avec fierté l’album de sa jeunesse, Thomas se lance dans une magnifique improvisation empreinte de tendresse et de délicatesse qui caractérise le respect des origines et surtout de la transmission. Enfin, Thomas Lebrun propose au public de fermer les yeux pendant une minute et d’en profiter pour rêver que nous dansons avec quelqu’un que nous aimons.
Galerie photo © Frédéric Iovino
Cet instant de silence est rompu par la voix de Jean Ferrat dans Nuit et Brouillard, sa chanson qui commémore les victimes des camps de concentration. Odile Azagury apparait revêtue d’une robe moulante. « Casablanca. J’ai 7 ans. La cour d’école est balayée par le vent. Dans nos yeux se niche la poussière du vent. J’ai chaud. Muriel est près de moi, nous sommes inséparables. Un enfant me bouscule. « Sale juive ». Ma bouche heurte le lavabo. Je saigne abondamment. » C’est par ses mots puissants qu’Odile débute.
Durant tout son solo, la danseuse et chorégraphe plonge au sein de ses secrets les plus intimes. Sa mère, son père, son enfance, puis les horreurs de la guerre, la haine, la peur, l’amour et surtout cette incohérente violence. Des tréfonds de son âme à la vérité crue, ses mots sont comme des crachats « Bande de fous inhumains. Assassins. Meurtriers. Monstres. Horribles monstres. Terribles monstres. »
La danse d’Odile est fougueuse et charnelle. Son corps exprime toutes les émotions, toutes les souffrances, toutes les illusions perdues. Des vies détruites et gâchées à jamais…
A couper le souffle !
Sophie Lesort
Spectacle vu le 6 février 2020 au CCN de Tours
Le 27 février 2020 au CN D à partir de 18h30, Solange Dondi, présidente de Á contre jour, et Françoise Michel présentent l’ouverture du site odileduboc.com
Mes Hommages
Conception et chorégraphie : Thomas Lebrun (avec Françoise Michel pour Françoise et Odile Azagury pour Odile)
Interprètes : Odile Azagury, Françoise Michel, Thomas Lebrun
Création et régie lumière : Jean-Philippe Filleul, Françoise Michel (pour Françoise)
Création son : Maxime Fabre, Yohann Têté (pour Odile)
Régie son : Maxime Fabre
Création costumes : Kite Vollard
Musiques : Jean Ferrat, David Lang, Jordi Savall, Luis Mariano, Elvis Presley, Maurice Ravel…
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