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Instances : Première en France de « #Minaret » d’Omar Rajeh et « Romances Inciertos » de Chaignaud/Laisné

Une pièce poignante et une œuvre éblouissante en clôture du Festival Instances.

Pour la dernière soirée d’Instances, Philippe Buquet (le directeur de l’Espace des Arts de Chalon-sur-Saône) a misé sur deux valeurs sûres de la danse contemporaine : le libanais Omar Rajeh qui est l’un des chorégraphes les plus connus du monde arabe et le duo François Chaignaud et Nino Laisné dont la version d’un autre Orlando est un bijou unique et fort précieux. 

Un grand cercle bleu est posé sur le sol de la scène de l’auditorium du conservatoire envahie de fumée. #Minaret, d’Omar Rajeh qui s’inspire de la destruction d’Alep, débute sur des sons de grincements et de bruits étranges. Les danseurs apparaissent un par un alors qu’un drone prend son envol. Il est immédiatement évident que cet appareil représente le mal que personne ne peut gérer. Sauf l’inconnu ou l’ennemi qui le maitrise. 

Une danse contemporaine aux accents orientaux se développe. Le bassin est toujours en mouvement alors que le reste du corps affiche une ample gestuelle dans un mélange gracieux et saccadé. Ceci dénote une certaine rébellion, une antinomie entre la joie des traditions et la détresse. 

Le drone qui fait un bruit d’enfer s’approche au plus près des interprètes. Il filme un visage, une partie du corps, fait soulever les cheveux, bouger les vêtements comme une violente tempête. En fond de scène, l’écran révèle les images prises par cet objet volant. Objet malsain qui viole l’intimité des hommes et des femmes, qui s’ancre dans leurs vies, leurs quotidiens, leurs familles. 

Comprenant à quel point ils sont espionnés et en danger, les artistes expriment leurs craintes et leurs révoltes dans une chorégraphie presque sauvage. Des coups de poing, des instincts de défense, des envies de bannir ce monde terrifiant qui saccage tout. 

Sur scène, ils sont douze. Cinq danseurs, des musiciens, un chanteur, le manipulateur du drone… soit un monde fou qui vit la douleur de ces moments intenses, qui tente vainement de résister à la destruction d’Alep, l’une des plus anciennes villes du monde classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Parfaitement soigné et bien dosé, le rythme imposé par les musiques, les sonorités, les déplacements et l’écriture chorégraphique engendrent une atmosphère pesante. 

Puis un homme apparait nu sur une table. On le recouvre de peinture bleue…. Le bleu, symbole du minaret de la Grande Mosquée des Omeyyades (détruit en 2013), du ciel et de la mer, soit la liberté de penser et la sérénité. 

Pour réaliser #MinaretOmar Rajeh a réuni des artistes de renommée internationale et d’horizons multiples (danse, arts vidéo, drone et paysage sonore), tous inspirés par le patrimoine musical classique d’Alep. 

« La destruction barbare d’Alep me ramène à la destruction de ma propre ville, Beyrouth en 1982 par les avions de guerre israéliens, et la guerre civile. Il met en évidence, en même temps, la destruction de beaucoup de villes dans l’histoire récente », précise le chorégraphe dans sa note d’intention. 

Une pièce de résistance impressionnante et poignante comparable à un opéra tant les différents arts se complètent avec virtuosité pour décrire les monstruosités et incohérences de la guerre.

Contraste total ensuite avec Romances Inciertos de Nino Laisné et François Chaignaud. Un bijou exceptionnel ! (lire notre critique)

Chaque représentation du Festival Instances était comble avec un public de tous les âges. Ceci prouve à quel point les spectateurs osent se déplacer même pour voir l’œuvre d’un chorégraphe dont ils ignorent tout. La preuve avec le focus Liban toujours plein. 

Sophie Lesort

Spectacles vus à Chalon-sur-Saône le 19 novembre 2019 dans le cadre du Festival Instances

#Minaret

Concept et chorégraphie : Omar Rajeh
Interprètes : Antonia Kruschel, Charlie Prince, Mia Habis, Moonsuk Choi, Yamila Khodr, Omar Rajeh
Création musicale : Mahmoud Turkmani, Pablo Palacio  
Musiciens : Joss Turnbull (percussions), Mahmoud Turkmani, Ziad El Ahmadie (ouds), Pablo Palacio (spatialisation sonore)
Analyse du mouvement en temps réel : Instituto Stocos
Voix : Naim Asmar
Lumières : Guy Hoare
Création vidéo : Ygor Gama, Dafna Narvaez Berbfein  
Opérateur drone : Hadi Bou Ayash
Costumes : Mia Habis  
Directeur technique : Christian François  
Régie son : Philippe Balzé 

Romances Inciertos, un autre Orlando

En tournée : 14 février 2020 ACB, scène nationale de Bar-le-Duc
4 et 5 mars Le Grand R, la Roche-sur-Yon
3 mars, Maison de la culture de Bourges
1 au 5 avril, le Centquatre (Paris)
9 avril, La Rampe d’Echirolles
11 avril, à Bourg-en-Bresse
14 avril à Villefontaine
16 avril à Andrézieux Bouthéon
9 et 10 juin, Opéra de Lille
12 avril T2G, Gennevilliers

Conception, mise en scène et direction musicale : Nino Laisné
Conception et chorégraphie : François Chaignaud  
Danse et chant : François Chaignaud
Bandonéon : Jean-Baptiste Henry  
Violes de gambe : François Joubert-Caillet  
Théorbe et guitare baroque : Daniel Zapico  
Percussions historiques et traditionnelles : Pere Olivé
Création lumière et régie générale : Anthony Merlaud 

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