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« Entretien » avec Arthur Perole
Ballroom, la dernière création d’Arthur Perole, programmée au festival Instances de Chalon-sur-Saône avant de l’être au Théâtre de Mâcon, associe les danses en vogue, dont le voguing, à des danses plus anciennes apparues il y a des siècles en Italie, dans la région des Pouilles.
Danser Canal historique : Comment avez-vous procédé pour relier le voguing et le disco à la pizzica ou à la tarentelle ?
Arthur Perole : J’ai essayé d’associer des danses de boîte qui traitent de « pulse » comme le disco, la techno, le voguing à des danses sociales anciennes comme la tarentelle de l’Italie du sud, un rituel porté par la musique de la pizzica accélérant le rythme du cœur, qui permettait aux femmes d’expulser leur détresse. Un peu comme dans le carnaval, la journée s’arrêtait alors et le rituel avait lieu à moitié dans le cadre familial, à moitié dans l’église. Ce qui m’intéresse là, c’est le double rapport au groupe : le groupe qui oppresse et qui rassemble pour permettre d’expier.
DCH : Cette analogie vous permet de trouver des origines à la transe que vous préférez définir par la notion d’exutoire...
Arthur Perole : En tant que chorégraphe je me suis penché sur le corps comme moyen d’exutoire ou de transe. Dans le voguing, c’est aussi de cette chose-là qu’il s’agit. Se réunir dans des balls, pour des noirs-américains, pauvres, homosexuels leur permet d’avoir une place dans la société. Pour moi, l’important n’est pas tant les danses ou les mouvements en tant que tels, mais plutôt la recherche de ce que serait, de nos jours, la tarentelle. La transe étant un moyen plus qu’une fin. L’exutoire est donc une notion plus large que la fatigue ou le dépassement de soi. Il aide à s’inventer un imaginaire et aussi à se libérer.
DCH : On peut penser que vous avez aussi essayé de renouveler avec l’aide Anthony Merlaud le concept delight show...
Arthur Perole : C’est la première que je travaille avec Anthony Merlaud qui a éclairé la pièce. Nous avons exploré la notion de salle de bal, d’où les lustres qu’on voit au-dessus des danseurs, ces grappes de projecteurs. La seule contrainte que j’ai donnée était d’immerger le public dans la lumière. Je ne voulais pas que ce soit juste une lumière de boîte mais de donner des images multiples, quelquefois de clubbing, à d’autres moments plus théâtrales, tragiques, lyriques.
DCH : Si le thème des danses sociales a été beaucoup traité ces derniers temps par les chorégraphes contemporains, plus rares sont ceux qui, comme vous, ont su composer avec la notion de passage, qui illustre celle de changement d’état de corps.
Arthur Perole : J’ai voulu créer un tunnel énergétique, en l’occurrence renforcé par la composition musicale de Gianni Caserotto. Pour ce qui est des danseurs et des danseuses, ce sont des interprètes que je connais et avec lesquels j’ai travaillé dans mon cursus. Nous avons en commun la conception du spectacle et nous nous sommes posé les mêmes questions sur les modes de représentation. Nous venons tous d’esthétiques très différentes et avons tous une part d’auteur, étant par ailleurs danseurs ou chorégraphes. Le groupe est donc hétérogène, chacun dégageant une chose en tant que personne. Mais le spectacle est une chose collective. Faire un spectacle, c’est avant tout être ensemble.
Nicolas Villodre
Propos recueillis le 12 novembre 2019 à l’Espace des arts de Chalon-sur-Saône.
A voir au Théâtre- Scène nationale de Mâcon le 5 décembre 2019 à 20h30