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« Anachronos » de Claude Brumachon et Benjamin Lamarche

Une singulière pièce chorégraphique pour quatre danseuses et quatre chanteurs.

Claude Brumachon est toujours là où on ne l’attend pas. Et il le prouve une nouvelle fois avec Anachronos, la dernière création qu’il signe avec Benjamin Larmarche, qui fut présentée au Centre culturel Jean-Moulin à Limoges.

Il est évident que l’on ne pouvait pas s’attendre à voir une œuvre où la danse contemporaine est censée incarner le répertoire millénaire de l’Ecole Notre-Dame. En effet, en mettant sur scène quatre hommes interprètes de l’Ensemble Béatus qui chantent a cappela, face à quatre danseuses qui déploient une énergie farouche, le contraste, entre le chœur apparaissant si paisible et la description par le mouvement des horreurs subies par les femmes au XIIème siècle, est plutôt étonnant et détonnant. 

Sous de magnifiques lumières sépia de Denis Rion, s’installe une incroyable histoire. Les femmes vêtues de longues robes en lin de teintes différentes et les hommes de tuniques de la même matière, passent par des sentiments et des intentions qui parfois s’opposent totalement et parfois se rejoignent dans des instants de tendresse et de douceur. 

La femme dans toute sa révolte est grandement évoquée par les chants d’Hildegard de Bingen. Une religieuse mystique, militante et presque féministe, visionnaire et poète, qui veut voir et faire voir plus que faire croire.

Galerie photo © Laurent Philippe

Et c’est justement l’objectif de la chorégraphie qui cerne très justement tous les émois de la féminité. La femme blessée dans son corps, la femme objet de tous les désirs, la femme bannie, violentée, trahie, bafouée, inutile… Mais aussi la femme maternelle, la femme tendre et délicate, la femme qui veut partager son amour avec l’homme qu’elle aime. 

Voilà pourquoi de l’état de violence et de rébellion presque sauvage, elle passe à d’autres états d’âme en entraînant les chanteurs dans des danses sensuelles et de partage. 

Galerie photo © Laurent Philippe

Les chanteurs sont exceptionnels. Ils attirent le regard, éblouissent par la parfaite tenue des notes et leurs maitrises de ces chants magnifiques. 

Les formidables danseuses bousculent à tout va leurs corps. Guerrières, elles chutent, maltraitent leurs bras, courent, frappent le sol puis se transforment en un instant en ravissante femme et délicieuse mère, pour ensuite retourner au combat. 

Ces contre temps, entre le chœur si serein qui donne une sensation de paix et la danse si impétueuse,  finissent par se rejoindre dans une ronde lumineuse. 

Par le biais des chants du Moyen Âge, Brumachon et Lamarche abordent tous les thèmes d’aujourd’hui inhérents au statut de la Femme dans la société.

« Le temps se renverse, le temps n’a pas de sens a priori » est-il indiqué dans la note d’intention. C’est exactement le résultat de cet ouvrage qui se distille entre le temps musical et le temps d’une époque. 

Quelle belle idée ce mariage entre chants moyenâgeux et danse contemporaine !  Anachronos, est une ouverture au monde, un acte pour la liberté, un poème qui rapproche deux formes artistiques, une ode à la Femme.

Sophie Lesort

Spectacle vu le 5 novembre 2019 au CCM Jean Moulin à  Limoges

Anachronos 

Cie Sous la peau/Claude Brumachon-Benjamin Lamarche
Ensemble Béatus/Jean Paul Rigaud

Distribution
Chorégraphie : Claude Brumachon assisté de Benjamin Lamarche
Chef de chant : Jean-Paul Rigaud
Danseuses : Estelle Carleton, Elisabetta Gareri, Lucia Gervasoni et Mathilde Rader
Chanteurs : Stephane Olry, ténor ; Erwan Picquet, baryton ; Jean Paul Rigaud, baryton et Sorin Dumitrascu, basse.
Musique : Hildegard de Bingen, Jean-Paul Rigaud, Petrus de Crux, Pérotin, Guido, Anonyme

En tournée : 17 mars 2020  : Théâtre des Quatre saisons à Gradignan  
13 juin 2020la Commanderie des templiers, Élancourt

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