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« Tauromagia » de Mercedes Ruiz et « De la concepcíon » de María Moreno

Taconeo et baile à tous les étages de la cité montoise lors de la 31e édition du festival Arte flamenco initié, comme on dit de nos jours, par Antonia Emmanuelli, pérennisé ou soutenu sans discontinuer par le Département des Landes.

Que ce soit dans les salles de classe d’écoles primaires comme celle des Arènes, équipées pour le coup d’épaisses planches ayant depuis longtemps été amorties, reliées entre elles par de simples clous, ou dans des brasseries solidaires comme la Petite Moleta, dans des débits de boisson rebaptisés « bodegas », ou sur l’estrade mobile du Trimotor ou triporteur murcien de l’association CasaLa Teatro.

Sur l’imposant plateau du Café cantante (en temps ordinaire, le marché couvert local), ont eu droit de se produire cette année, outre de grandes figures du cante, les danseuses Mercedes Ruiz et María Moreno. Commençons par cette dernière. Après une entame à prétention contemporaine avec des tics et des tocs piqués ici ou là qui, selon nous, ne le font pas – boléro accroché au cintre, non à l’un de ceux de la loge de l’artiste : à l’un de ceux placés au-dessus de la scène, servant habituellement à escamoter plutôt qu’à montrer ; vidéoprojecteur maousse d’un modèle un peu dépassé, encombrant mais peu luminescent, qui n’apporte pas grand-chose et qui eût pu être remplacé par un carrousel de diapos ou sucré, d’autant que ce catafalque a empêché le public de voir les pieds de la danseuse durant tout le set ; l’agrès des banderilles tauromachiques, de goût douteux, ne sera pas vraiment exploité.

Heureusement, la deuxième partie du show est pure, tout en finesse. Pour une fois – ce qui mérite d’être souligné –, les castagnettes sont parfaitement sonorisées, traitées comme de véritables instruments de musique. Avec le chant puissant d’Antonio Campos et celui, surpuissant, d’Enrique « el Extremeño », arrivé en cours de jeu, les choses prennent une autre tournure. Cessent alors les chichis, les minauderies, les kitscheries. La jeune femme aux formes girondes devient légère, délicate, subtile. Le patriarche à l’air bougon ne la lâche pas du regard ; il anticipe chaque vibration corporelle, la stimule, l’encourage mais pas trop. Si la chorégraphe se cherche encore, la danseuse n’a plus rien, techniquement, à apprendre. Le maniement de la bata de cola semble pour elle évident.

La chorégraphie de Mercedes Ruiz présente aussi quelque hiatus en raison de son expressionnisme même. Trop dans le mouvement peut tuer l’émotion. Les aficionados landais ont acquis le sens de la mesure comme celui de la nuance. Ils n’ont nul besoin qu’on leur souligne, grossisse ou fasse sonner un geste. Ils évaluent vite une situation et réagissent à la juste proportion. N’étant pas aussi machos que cela, ils admettent que les musicos puissent être maintenus à l’ombre, à l’arrière-scène. Et admirent le corps de ballet entièrement et parfois ambigument féminin. Et il faut reconnaître que Mercedes Ruiz nous convainc totalement avec les mouvements d’ensemble qu’exécutent ses quatre partenaires. À ces moments, qui sont plus nombreux vers le final, on apprécie la fluidité du baile.

Photos © Cie Mercedes Ruiz

Le hasard objectif ou, ce qui revient au même, la main verte des programmateurs ont fait se rencontrer, trente ans après, l’auteur de l’affiche de la manifestation, le photographe Michel Dieuzaide, le fils de Jean, fondateur de la fameuse Galerie toulousaine du Château d’Eau vouée à l’art de Niépce et de Daguerre, et la petite danseuse surprise de dos en 1988 répétant ses pas de danse devant les photos des ancêtres dans la salle de la peña flamenca Los Cernicalos de la rue Vizcaíno, à Jerez de la Frontera.

Il s’est avéré que la fillette en question, plutôt rondelette à l’époque, est devenue la gracile danseuse professionnelle de haut niveau Mercedes Ruiz.

Nicolas Villodre

Vu les 4 et 5 juillet 2019 à Mont-de-Marsan

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