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William Forsythe : « A quiet evening of dance »
La simplicité du titre (Une douce soirée de danse) correspond, d’une certaine manière à celle de la chorégraphie… mais à la façon de l’Art de la Fugue de Bach ! Rien de plus simple, rien de plus compliqué, rien de plus spirituel, dans tous les sens du terme. Dans cette pièce, William Forsythe égrène juste tout le vocabulaire de l’histoire de la danse, de ses origines du côté de la Belle danse jusqu’à ses occurrences les plus contemporaines en passant par le hip-hop grâce à Rauf “RubberLegz” Yasit, seul élément surprenant de cette « nouvelle » compagnie Forsythe, composée de ses anciens complices et non moins merveilleux danseurs (Brigel Gjoka, Jill Johnson, Christopher Roman, Parvaneh Scharafali, Riley Watts).
Et, à bien regarder les enchevêtrements raffinés proposés par « RubberLegz » et ses jambes élastiques, comment ne pas y reconnaître une parenté avec certaines compositions de Forsythe, par exemple Stellenstellen ? Dans A quiet evening of Dance, tout commence par des chants d’oiseaux. On se souviendra qu’ainsi s’était résolue la « topographie du désir inarticulée » d’Hétérotopia, chef-d’œuvre du chorégraphe présenté également à Montpellier Danse en 2008, qui affirmait alors et non sans humour que la danse est structurée comme un langage. Ce n’est sans doute pas un hasard si la première partie d’A quiet evening of dance est construite en chapitres (Prologue, Catalogue, Epilogue, Dialogue) qui reprennent tous des figures du « logos » qui en grec signifie à la fois la parole et la pensée…
Et c’est bien d’une danse conçue comme un mouvement de la pensée que nous régale William Forsythe dans cette pièce. Surtout dans cette première partie, où le silence domine, comme pour mieux faire voir la chorégraphie. Dans cet espace, qui devient le fond nécessaire à leur apparition, les corps se ploient et se déploient, construisant et désossant toute la grammaire de la danse et toutes les articulations du corps dans des équilibres subtils et déliés, travaillant dans la profondeur ses ressorts et ses moyens. Forsythe nous apprend l’attention et fait passer la danse du sensible à l’intelligible. Le temps devient visible, le corps prend son essor dans des connexions inattendues, des extensions imprévues.
Et les chants d’oiseaux du petit matin ou les notes déliées des Nature Pieces from Piano N°1 de Morton Feldman ne font qu’amplifier cette sensation de silence et de quiétude où le phrasé de la gestuelle individuelle tient et retient le regard. Impossible, dans Prologue, avec les longs gants colorés de Prologue (Parvaneh Scharafali et Ander Zabala), de ne pas faire un parallèle avec le Beach Birds de Merce Cunningham et ses oiseaux en ces temps de centenaire. Epilogue, qui réunit l’ensemble des danseurs, est une leçon de danse flamboyante où les corps s’emboîtent dans des combinaisons parfois inextricables.
La création Seventeen/Twenty-One sur la musique de Jean-Philippe Rameau, dit assez ses origines. « Si je lui avais donné un autre titre, ça aurait été “À propos de la soustraction“. Parce qu’elle parle vraiment du XVIIIe siècle, de l’idéal néopla-tonicien et des excès du baroque, tout en enlevant tout ce qui est superflu. Je ne pourrais rien enlever de plus ». C’est une sorte de bouquet final, coloré, qui fait exulter la chorégraphie de Forsythe, où complexité et liberté se conjuguent pour faire briller cette somme, cette danse des danses, ce ballet des ballets.
Agnès Izrine
Le 2 juillet 2019, Festival Montpellier Danse, Opéra Comédie
Du 4 au 10 novembre, Festival d’automne, à Paris
Distribution
Chorégraphie, William Forsythe
Avec Brigel Gjoka, Jill Johnson, Christopher Roman, Parvaneh Scharafali, Riley Watts, Rauf “RubberLegz“ Yasit, Ander Zabala
Musique, Morton Feldman, Jean-Philippe Rameau
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