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Andrea Sitter signe « Juste au corps, Salomé » à Tours d’Horizons

La danseuse et chorégraphe dévoile comment est née cette nouvelle pièce très irrévérencieuse.

Danser Canal Historique : D’où vous est venue l’idée d’écrire une œuvre chorégraphique sur Salomé ?

Andrea Sitter : Il est difficile de dire quand quelque chose a commencé à germer. Mais l’idée de parler de Salomé m’est venue en lisant La construction de la féminité dans la danse éditée dans une brochure de Claire Rousier et j’ai trouvé ce sujet intéressant par rapport au fantasme que créa Salomé. On l’éclaire toujours sous un angle monstrueux, mais elle est surtout une jeune fille manipulée par sa mère pour danser. Et puis j’arrive à un moment de ma vie où j’ai besoin d’un peu mieux comprendre les cours de certaines choses qui m’apportent un sujet artistique. L’antisémitisme, l’histoire de l’abominable, la cruauté extrême, comment traiter ces choses qui sont en nous au point d’arriver à des monstruosités et en même temps trouver la pirouette, le rire salvateur qui peut sauver d’une plongée dans l’abîme.

DCH : Vous allez très loin, aussi bien dans la sensualité que dans les mots qui sont très crus.

Andrea Sitter : Oui, c’est vrai, j’ose aussi bien dans le mot, dans la danse et, ce qui est nouveau pour moi, dans la vidéo. Je ne me suis jamais laissée compromettre par les courants de la mode. J’ai développé une forme de résistance pour toujours danser sans filet et penser librement. Forcément, l’heure biologique est au dessus de nous et je me suis dit que quelque chose doit être dit un peu plus urgemment maintenant parce que j’ai moins de temps devant moi. On devient plus lucide par l’éphémère du temps, par la fragilité, la vie-la mort. Il fallait donc oser, nommer un chat un chat en dansant et en abordant un texte bien vert. 

DCH : Il y a aussi beaucoup d’humour assez grossier dans Salomé

Andrea Sitter : Je suis bavaroise et en France ce n’est pas le même humour. Alors oui, ça peut donner un mélange étonnant et détonnant. Surtout la question que je pose au public : qu’est ce qui fait le plus mal au cul de la poule ? La réponse que je donne les yeux dans les yeux à un spectateur : quand elle passe du coq à l’âne, peut effectivement paraitre grossière, mais c’est mon humour. Il fallait que je tue l’image de la danseuse classique, de la gentille Andrea, propre, élégante, avec son petit chignon. Je me suis dis, vous allez voir. Ça fait parti de moi, on est tous multiples. Je rejoins la nature humaine, on est monstre et ange à la fois. Ceci me réjouit.

DCH : Quelle Salomé interprétez-vous ?

Andrea Sitter : Je suis une Salomé d’aujourd’hui. Une sylphide acide. Salomé, au Palais de Justice, apostrophant le Juge : au fond au fond au fond, c’est déjà réglé !, vous pensez de moi : quelle salope de danseuse stripteaseuse, nymphomane, courtisane, sulfureuse, pipeuse, profiteuse, allumeuse, faussaire faussée, infecte insecte. Qu’on l’écrase ! Ma germanité me propulse dans un terrain peut-être un peu trouble et un peu rocailleux parce que les opinions qu’on a sur les allemands, notamment sur tout le dernier siècle, comment analyser ça, comment on juge, comment on nomme, comment on éclaire ça et sous quel angle par rapport à un sujet.

Salomé est la sauterelle sulfureuse dit Oscar Wilde. Mallarmé, Flaubert, comment les écrivains ont-ils décrit cette danseuse ?  Elle bande son voile comme un arc, ce sont des mots très crus et l’idée d’une figure masculine. Je suis une sauterelle sulfureuse, un monstre qu’ils abattent à la fin de l’opéra de Strauss : qu’on tue cette femelle.  Je ne voulais pas ressembler à un être humain naturel, je voulais être autre. Dans cet autre, on peut se permettre plus que si j’étais restée Andrea et c’est la première fois que j’apparais nue au final sous une robe transparente.

DCH : La vidéo est aussi une première fois.

Andrea Sitter : Oui, effectivement. Je me suis dis que j’aimerai bien apporter ce que je ne peux pas faire sur scène. Ce film qui apparait plusieurs fois sert mon récit et nourrit la dramaturgie. Ce n’est pas un ornement ni une doublure, il permet de faire des gros plans sur certaines parties du corps et de donner d’autres informations sur le personnage.   

DCH : Que signifie la danse pour vous ?

Andrea Sitter : Le corps est apte à livrer une transposition du sujet qui pourrait devenir littéraire ou un tableau figuratif. La danse c’est une façon de donner une distance comme une énigme ou quelque chose de mystérieux. Martha Graham disait « le corps révèle ce que l’on veut cacher ».

Propos recueillis par Sophie Lesort

Spectacle vu à Tours d’Horizons le 8 juin 2019

Juste au corps, Salomé, chorégraphie, conception texte et interprétation : Andrea Sitter.
Lumière : Flore Dupont
Costumes : Andrea Sitter et Michel Ronveaux
Voix off : Ivan Mérat-Barboff

En tournée : à l'Echangeur de Bagnolet les 4, 5, 7 et 8 octobre 2019 ; à Poitiers, le 18 janvier 2020 ; La Rochelle (janvier 2020), au Vélo Théâtre, à Apt (février 2020),

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