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« Botero en orient » de Taoufiq Izeddiou
Célébrant par l’art de Terpsichore, via ses trois mousquetaires qui sont au nombre de quatre, Essiane Kaisha, Karine Girard, Marouane Mezouar, Taoufiq Izeddiou, l’œuvre singulière et les personnages aux formes gidouillardes du peintre colombien Fernando Botero, la création de Taoufiq Izeddiou, Botero en orient, découverte au Tarmac, met en question à sa façon les canons de la beauté, en particulier ceux de la toreutique occidentale.
Il faut dire que le natif de Medellin s’est surtout distingué en prenant ses références et ses sources d’inspiration dans la sculpture précolombienne plutôt que dans celle de nos Grecs et de nos Romains. L’anti-conformisme d’un Picasso qui fascina le jeune Botero est devenu, à la longue, manière ou matière à penser tout ce qu’il y a de prévisible, et faire système. Sans remonter jusqu’aux femmes girondes de Rubens, celles, bien en chair, traitées dans le style néo-classique par un Picasso embourgeoisé, installé (rue de la Boétie), reniant son passé d’affamé (celui de la vie de Bohème, comme dirait Aznavour), ses puissantes plagistes dinardaises, sa massive Grande baigneuse (1921), les Deux femmes courant sur la plage et autres Quatre baigneuses (1922), n’ont pu laisser indifférente un Botero se cherchant.
Pour ce qui est de la danse, Taoufiq Izeddiou n’a nullement recherché la virtuosité et l’agilité qu’il est loisible de trouver, en usant de Youtube comme d’une encyclopédie visuelle, dans le duo de chant et de tap-dance des artistes afro-américains Patterson et Jackson ou dans celui, survitaminé, du blanc-bec John Belushi dans Les Blues Brothers (1980). Tout se passe en douceur, avec des gestes simples, pouvant être aisément produits et reproduits. Certain(e)s ont, naturellement ou culturellement, plus de grâce que d’autres. Le surpoids pondéral est symbolisé par les lourds cubes en bois (pour ne pas dire parallélépipèdes rectangles ou pavés droits) trimballés de jardin à cour et de l’arrière à l’avant-scène par les interprètes faisant office de machinos.
On pense à Bouddha, le dieu du Sumo, à Gargantua, à Ubu, à Béru, à Hulk. On songe aux exercices proposés par Oskar Schlemmer au milieu des années vingt aux apprentis en art de la scène du Bauhaus (cf. Mensch und Kunstfigur), aux Mummenschanz, à la Cendrillon (1985) et aux créatures de Groosland (1989) de Maguy Marin, au solo Pour tout l'or du monde (2005) d’Olivier Dubois à la Vénus hottentote dont traita Robyn Orlin dans …have you hugged, kissed and respected your brown Venus today ? (2011).
Pas facile d’innover en matière de « beauté inattendue », d’appas, d’opulence. Malgré tout, malgré l’usage du néoparler anglais élevé au rang de lingua franca au sein de « la scène internationale francophone » qu’est censé être le Tarmac, la pièce de Taoufiq Izeddiou fonctionne, en raison de sa structure, de sa rythmique, des passages tout en délicatesse, d’une atmosphère à l’autre. La B.O. y fait pour beaucoup, bien que la sono du théâtre ne la diffuse pas aux meilleures conditions techniques. Au final, des personnages carnavalesques, à l’allure patte-pelue, sortis de contes de notre enfance, loin d’être une source d’angoisse, apaisent le public sur un slow sirupeux.
Nicolas Villodre
Vu le 20 février 2019 au Tarmac
En tournée
Le 12 avril à 20h à Vitry-sur-Seine au Théâtre Jean Vilar dans le cadre du festival les Transversales
Les 3 et 4 juillet 2019 au Festival de Marseille
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