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Faits d’Hiver : « h o m » de Benoît Canteteau
La construction d’un mobile par un jongleur-danseur engage le spectateur sur un long chemin vers l’essentiel.
Le festival Faits d’Hiver, si porté sur la composition chorégraphique, connaît aussi ses ovnis. Cette ouverture élargit le champ des possibles jusque dans d’autres disciplines, en fine intelligence avec les lieux partenaires. Chaque édition du festival propose en effet une excursion au Générateur à Gentilly, où on a pu voir, comme chaque année, sa contribution la plus hors genre. Ce qui fut, à la 21e édition, h o m, une performance entre arts plastiques et chorégraphie, poésie et création musicale dirigée par Benoît Canteteau.
Formé comme jongleur à l’école de cirque du Lido à Toulouse, migré vers la danse et jusque dans la compagnie de Pierre Rigal, Canteteau a conçu une sculpture faite d’éléments en bois, en métal et autres matériaux qui épouse l’air et adresse de jolies facéties à la gravité. Le performer et plasticien a disposé ces dizaines d’éléments au sol avant que le public ne prenne place dans la salle. Et autant que le mobile déjoue l’attraction terrestre, autant le danseur y succombe, parfois même à la manière d’un B-boy. Mais son mobile esthétique semble être le Bauhaus, école du regard sur la forme plastique qui s’empare également du corps de Canteteau.
La lutte pour la légèreté est formellement engagée, quand chaque équilibre se négocie avec le levier opposé et sans pour autant s’affranchir de la gravité. Pièce par pièce, se monte une sculpture qui est tout sauf un produit Ikea. Pas de mode d’emploi à consulter, sauf celui qui s’est inscrit dans la mémoire du performer. Le montage d’un meuble acheté en kit nous réserve finalement bien plus de surprises et de risques d’échec. Le montage d’un mobile peut bien souffrir de quelques ralentissements sans qu’on se pose la question en termes de réussite ou d’échec. A aucun moment, h o m ne nous fait frémir comme une trapéziste ou un jongleur au cirque.
Dommage aussi que le processus de montage soi parfois noyé dans la redite textuelle, avec un accompagnement live à la poésie lourdement appuyée, qui semble vouloir saper toute la légèreté qui se construit sur le plateau. En même temps, les interventions chorégraphiques de Canteteau ont tout autant de mal à prouver leur nécessité. Le sol est assez présent en soi pour exprimer la force de la masse terrestre. Trop de poésie tue la poésie…
Et puis, toutes ces contradictions s’évaporent d’un coup, quand l’œuvre est accomplie et que ses pivots se mettent à tourner comme mû par le vent, comme un jardin zen vertical ou un mandala revu par le Bauhaus. Ce qu’on retient et qu’on ramène est cette image finale, affranchie de toutes les redites encourues au cours de sa création. L’acte de création est toujours un miracle en soi, et cette performance finit par l’affirmer avec sérénité. h o m est un son assez spirituel.
Thomas Hahn
Faits d’Hiver #21, 18 février 2019, Gentilly, Le Générateur
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