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« Forces of the North » de Lene Boel

Peu vue en France, la chorégraphe danoise Lene Boel a présenté trois pièces, dont une création, au festival Suresnes Cités danse.

Formée notamment auprès de Merce Cunningham puis de Steve Paxton, théoricien du contact-improvisation, Lene Boel a créé il y a une vingtaine d’années sa compagnie Next Zone à Copenhague.

Au travers ses seize spectacles à ce jour, elle a développé une écriture contemporaine très marquée par la danse hip hop, dont elle explore les différents styles. On a pu en juger lors de sa venue au théâtre Jean Vilar, alors qu’elle était invitée par Olivier Meyer à reprendre Ritual for the Inuit et Viking Runes, ainsi qu’à créer Super Human qui ouvrait la soirée.

Des trois pièces découvertes lors de ce programme, c’est sans conteste celle-ci que l’on a préférée. Impressionnante d’élégance et de puissance, elle met en scène neuf danseurs, huit garçons et une fille, castés en Belgique, en Allemagne, au Royaume-Uni et en France. Vêtus d’un pantalon noir cintré, torse nu sauf la jeune femme, ils dansent ensemble debout et au sol dans un parfait alignement ou se livrent, entourés du cercle de leurs camarades, à d’époustouflantes performances individuelles au son d’une musique électro signée Rex Casswell. Un savant jeu d’éclairage les baigne d’une lumière dont les tons outrés bleus, rouges ou jaunes évoquent les aurores boréales du Septentrion, dont est originaire la chorégraphe. Sont-ils encore des échantillons de notre humanité, ces corps ultra entraînés aux prouesses stupéfiantes, mais dont les transes collectives ou individuelles semblent venues du fond des temps ?

Si la seconde partie de la pièce les montre accomplissant en accéléré, comme dans un drôle de cartoon, les gestes de la vie ordinaire des urbains du XXIe siècle - se déplacer, travailler, se nourrir, s’entraîner physiquement -, ils finissent par retrouver ce monde nocturne et désincarné où présent, passé et futur se télescopent. Façon de dire, sans doute, que notre avenir se nourrit aux racines les plus profondes de nos rêves... Et que ce Super Human que nous promet le transhumanisme a peut-être étrangement plus à voir avec les êtres très anciens qui peuplent les légendes scandinaves, qu’avec les films de super héros.

Passée cette ouverture spectaculaire, les deux pièces suivantes paraissent moins surprenantes. A moins que l’on se soit déjà habitué à cet univers qui croise avec un talent certain mythes du grand nord et regard contemporain. Ainsi, Ritual for the Inuit, interprété par Hocine Khiar et Mehdi Belkabir qui créèrent ce duo à sa création en 2010, confronte les cultures inuit et hip hop dans un va et vient quelque peu convenu entre les deux gestuelles. Quant à la pièce collective Viking Runes, qui date de 2018, elle s’inspire du film de science-fiction The Hunger Games pour mettre en scène « un jeu de vie et de mort entre super guerriers, créatures mi hommes - mi bêtes et Walkyries ». Efficace, mais moins décoiffant que le décidément réussi Super Human.

Isabelle Calabre

Vu le 30 janvier 2019 au théâtre Jean Vilar à Suresnes.

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