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Entretien avec Thomas Hauert
Thomas Hauert évoque pour nous sa dernière création Flot, programmée dans quelques jours à l’Opéra national de Lorraine avec Record of Ancient Things de Petter Jacobsson et Thomas Caley et une pièce inédite de Saburo Teshigawara, Transparent Monster.
DCH : Quelle est l’importance de l’improvisation dans votre travail en général et dans cette œuvre en particulier ?
Thomas Hauert : L’improvisation permet d’utiliser les capacités inconscientes de l’être humain et du danseur. Notre corps est capable de créer, d’agir et de réagir plus vite que notre conscience. Il y a des processus qui ont jusqu’ici été exclus en danse où l’on veut contrôler les choses, tout faire passer par l’esprit. On doit analyser, communiquer et, du coup, on perd toute la complexité qui est possible lorsqu’on permet aux choses de se passer sans les avoir préalablement fixées. La créativité peut sortir de l’improvisation.
DCH : Dada utilisait cette indifférenciation, ce relâchement proches de la pensée orientale...
Thomas Hauert : Il y a le danger que le corps, si on ne le force pas, si on le laisse faire suivant ses habitudes, reproduise les choses auxquelles il est habitué. Je défends donc l’improvisation vraiment travaillée, pratiquée, pour éviter qu’on reproduise juste les premières choses qui arrivent. Mon travail avec le ballet a consisté à développer l’intuition, un phénomène qui est lié à l’expérience. Pour moi, pour que l’improvisation soit intéressante, il faut pratiquer. Cela a l’air d’une contradiction ! Mais c’est très important d’ouvrir des possibilités, de produire des variations, de se livrer à des exercices pratiques. D’explorer les possibilités, de superposer des structures d’improvisation pour atteindre une virtuosité, une originalité, une complexité.
DCH : Il faut lutter contre le réflexe, qui est aussi un moyen de protéger le corps contre un danger total...
Thomas Hauert : Les danseurs ont énormément d’expérience. Ils peuvent pousser le corps assez loin sans se risquer trop. La méthode que j’utilise incite les danseurs à inventer, à trouver de nouvelles coordinations. Cela leur donne une confiance qui ne les oblige pas à tout contrôler et ils peuvent ainsi aller plus loin, trouver ainsi des suites aux mouvements. Au début, ils pensent que c’est « too much », que ça va trop vite et, une fois habitués, ils trouvent que c’est assez hilarant, excitant. Mais on peut faire confiance au corps qui trouve toujours la solution pour qu’on atterrisse sur ses pattes.
DCH : Comment est venu le titre Flot ?
Thomas Hauert : Je travaille avec toute la compagnie. Avec 22 danseurs. Nous avons créé des relations entre eux, des mécanismes qui relient les danseurs et les trajectoires dans l’espace, mais aussi des connexions de mouvements sur leur corps. Avec le groupe est né un organisme composé d’individus en relation, une créature ou une masse mouvante semblable à un flot. Il y a aussi la musique, la suite de valses de Prokofiev, que le compositeur a assemblées en les tirant de trois de ses œuvres – Cendrillon, Guerre et paix et une musique de film –, qui finissent par n’en faire qu’une et que l’auditeur confond.
Propos recueillis par Nicolas Villodre
Flot, Record of Ancient Things et Transparent Monster : Ballet de Lorraine - Opéra national de Lorraine - les 14 et 15 novembre 2018 à 20h - le 16 novembre 2018 à 14h30 et 20h - le 18 novembre 2018 à 15h.
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