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« Face à terre », une création de Bouziane Bouteldja

Ils sont trois sur scène et démontrent que les anges savent danser et chanter en pleine harmonie dans la fragilité des nuages.

Au théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine, Bouziane Bouteldja présente sa dernière création Face à Terre. Dans le noir complet, on distingue à peine l’ombre de deux danseurs qui évoluent en avant-scène alors qu’un chanteur à la voix étrangement masculine et féminine apparait au centre du plateau. Il est vêtu de noir tout comme les interprètes qui le rejoignent. Un homme, Bouziane et une femme, Ana Pi. Des mouvements de bras extrêmement gracieux et très lents accompagnent les sons. Puis, les doigts se délient comme un langage qui fait songer à un rituel.

Le chanteur, Bastien Picot, se frappe le plexus afin que les sonorités deviennent de plus en plus insolites et les danseurs poursuivent leur conversation gestuelle. Cependant Bastien vacille plusieurs fois. Il est fort heureusement rattrapé par les danseurs. Mais, le corps lâche après une ultime chute à terre alors que la fumée crée de magnifiques nuages colorés.  Et là, alors que le rythme de la danse est tout aussi lent et surtout parfaitement maitrisé, la pièce prend un tournant radical car il est évident que les trois artistes ne sont pas sur terre, mais dans les nuages, au ciel…

Au ciel où la mort fut synonyme de rituels et de cérémonies propres à chacun. D’où les codes répétitifs et les gestes liés et précis qui révèlent et expriment une symbolique chargée de sens.

L’univers dessiné par Bouziane Bouteldja est prenant, captivant et ensorceleur. Car, une fois le lieu bien installé, le chanteur et les danseurs forment une osmose indestructible. Sur des musiques d’Arnaud Vernet alliant le baroque, l’électro aux percussionnistes du Ghana, le chant s’envole avec des notes irréelles et la danse oscille entre de très beaux mouvements au ralenti de hip hop au sol, des tours rapides sur les genoux, un jeu de puissance entre l’homme et la femme et de longs équilibres sur la tête. Continuellement sollicités, les bras et les mains distillent une grâce évidente. Ils prouvent tous que les anges savent danser et chanter.

Les corps profanes et religieux se côtoient, s’ancrent et s’égarent alors que l’espace semble devenir infini.

Galerie photo © Gilles Rondot

Puis, en une seconde, tout bascule au son d’une Samba où Ana Pi, merveilleuse et touchante, se lâche avec une vivacité et une joie de vivre communicative. Elle sourit, elle est belle, elle irradie. Elle n’est plus un ange, mais bien vivante sur notre terre, où la vie, même si éphémère, regorge de surprises et de ravissement. Bouziane exulte aussi, et ils prouvent l’un et l’autre, que l’urgence de vivre les drames et le bonheur ensemble n’ôte en rien les célébrations propres à chaque culture, à chaque religion.

Comme le dit Bouziane Bouteldja : « Cette pièce est en lien avec mon vécu et ma perception de la vie. Ce trio interroge les rituels, l’imaginaire d’un au-delà et les notions de justice humaine et divine.»

Un opus émouvant et déroutant parfaitement bien dosé et bien interprété sur l’ici et l’ailleurs où chacun y percevra son propre langage en fonction de ses expériences, de sa religion, de sa culture, de son pays.

Sophie Lesort

Spectacle vu le 7 novembre 2018 au théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine

Le 9 novembre au théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Seine
Le 5 avril 2019 à la Ferme du Bel Ebat à Guyancourt - le 16 avril au Parvis à Tarbes

Face à terre, par la compagnie Dans6t

Direction artistique : Bouziane Bouteldja
Chorégraphie : Bouziane Bouteldja en collaboration avec Ana Pi
Interprètes : Ana Pi et Bouziane Bouteldja
Chant : Bastien Picot
Musique : Arnaud Vernet Le Naun
Création lumière et scénographie : Cyril Leclerc
Régie son : Olivier Brodu
Création costumes : Mathilde Marie
Regard extérieur : Elsa Poissonnet et Caroline Lamaison

Collaboration artistique et production : Gilles Rondot

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