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Montpellier Danse : « Xenos »

Akram Khan tire sa révérence sur un coup de maître. Xenos est sombre, brillant et ouvre une nouvelle dimension au Kathak.

Outstanding! On peut le dire d’emblée, dans la langue de Shakespeare et d’Akram Khan. Car les chefs-d’œuvre d’une telle prestance sont bien rares. Akram Khan annonce qu’il crée avec Xenos son dernier grand solo qu’il interprète lui-même ? Il risque de le tourner longtemps ! Bien sûr, on ne se lasse pas de sa virtuosité en danseur de kathak, qu’il remet ici sur le plateau. En même temps, Khan construit un personnage et un propos qui réunissent avec grande pertinence un mythe grec, le tournant de l’histoire du XXe siècle et une prise de position par rapport à notre actualité politique. C’est énorme.

Cinq musiciens, mis en scène comme un chœur de citoyens (ou de dieux) dans la tragédie grecque, apparaissent parfois au-dessus de la pente face à laquelle un homme indien, en habit traditionnel blanc, s’arrache au sol pour tirer une énorme corde. Xenos retrace, sur un mode individuel, une histoire qui est celle d’un million et demi d’Indiens, envoyés au charbon par leur puissance coloniale britannique, au cours de la première guerre mondiale.

Prométhée, soldat anonyme
Khan incarne le soldat anonyme, arraché à ses terres et à sa culture. Et il reprend le flambeau de Prométhée, allégorie d’une humanité qui s’arme d’outils qui la dépassent. Il échoue sur une plage comme un migrant actuel et remet sur la table les fantassins du nord et du nord-est de l’Inde dont le sacrifice a été passé sous le tapis de l’histoire, a        u Royaume Uni et même en Inde.
Xenos enchaîne les tableaux et construit un récit, sans être didactique ou moralisateur, puisque l’humanité du personnage domine  tout, puisque la danse elle-même est ici un personnage à part entier, un camarade dans la guerre des tranchées: « Ceci n’est pas la guerre, c’est la fin du monde et de moi-même », dit-il.

Le kathak, au-delà de lui-même
Et sa danse se courbe, s’infléchit, se dénature jusqu’à éclater et s’enfoncer dans le sol. Un kathak terrorisé, mais toujours kathak, jusqu’à se dissoudre dans un requiem. Un kathak en chaînes, lors de la traversée, comme sur un bateau négrier. Un kathak qui perd son côté  ensoleillé et acquiert la capacité à porter un récit théâtral qui s’adresse à un public de culture occidentale.
Xenos est une tragédie kathak, un hommage à ceux  qui ont été tués ou mutilés dans les tranchés. A  tous, quelle que soit leur culture d’origine. Car le Xenos, l’étranger en cet outre-monde, c’est l’humain tout court. Mais quand Khan tourbillonne tel un derviche, le kathak n’est plus en étranger, ni sur les terres du ballet, ni sur celles du hip hop. Et ceux-ci sont accueillis à bras ouverts dans l’univers du kathak.

Ovations
Khan s’accroche aux cordes. Il rampe sur une colline de boue imaginaire. Il se met debout sur la crête et se transforme en un Prométhée kathakali. Cette scénographie, immense mais limpide, est loin d’avaler le personnage. Au contraire, elle le révèle, aidée par des éclairages qui deviennent paysage à eux seuls. Au tableau final, Khan se relève comme d’un bain d’argile. Le charbon ardent remplit la vallée et interdit tout retour vers le bas, calciné. Le soldat anonyme doit mourir, comme Prométhée. A Montpellier Danse, le Corum entier s’est levé pour ovationner Akram Khan, les musiciens et toute l’équipe de Xenos. Quand Khan parle d’aboutissement d’une carrière dans la danse, il n’exagère rien.

Thomas Hahn

Spectacle vu le 27 juin, 38e édition de Montpellier danse, Le Corum

Direction artistique, chorégraphie et interprétation : Akram Khan
Dramaturgie : Ruth Little
Création lumière : Michael Hulls
Musique originale : Vincenzo Lamagna
Décor : Mirella WeingartenCréation costumes : Kimie Nakano

http://www.montpellierdanse.com/spectacle/xenos-creation

 

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