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« Self Unfinished » de Xavier Leroy
Au CN D, Xavier Le Roy donne un workshop dans le cadre de Camping, et présente Self Unfinished, un classique contemporain, à l'épreuve du temps.
La danse du XXe siècle, vue comme phénomène iconographique, s’étend entre la fameuse photographie de Vaslav Nijinski en tant que Faune et une autre image, devenue toute aussi iconique : Xavier Le Roy dans sa robe noire, se transformant en deux êtres qui semblent dialoguer à travers une tête imaginaire et partagée. Ou bien celle où il semble cacher sa tête entre ses bras, qui sont en vérité ses jambes.
Galerie photo © Katrin Schoof
Mises côte à côte, les photos prises par Adolf Gayne de Meyer en 1912 et celles (signées Katrin Schoof) de Le Roy dans Self Unfinished en 1998, révèlent de troublantes similitudes, parlant à chaque fois de la transformation de l’humain ainsi que d’une zone trouble, entre humanité et animalité, entre le réel et l’imaginaire. Et elles incarnent leurs époques respectives, du début et de la fin du XXe siècle, résumant à elles seules l’évolution de l’écriture chorégraphique.
Ceci étant posé comme hypothèse de départ, se pose la question à savoir si Self Unfinished appartient au siècle dernier ou si ce solo emblématique continue de dialoguer avec les évolutions de notre époque. Car nous savons aujourd’hui d’emblée que toute image est probablement manipulée, truquée, photoshopée etc. En vingt ans, le rapport au temps et à la vitesse s’est également transformé. De par son rythme très étiré, Self Unfinished se situe d’emblée dans une époque antérieure et crée un effet de distanciation qui s’ajoute à celui créé par Le Roy vis-à-vis de son propre corps. « La pièce ne change pas, mais le corps change », dit Xavier Le Roy. Ce qui veut tout de même dire que la pièce change, notamment par la présence d’un corps qui arbore une réalité qui ne s’estompe plus.
Mais Self Unfinished n’en devient que plus authentique, proposant une exploration des possibilités de transformation d’un corps humain, du rapport entre le « je » et « l’autre » comme entre incarnation et aliénation. La faille est donc l’enjeu central de la pièce. Et elle ne se contente plus d’habiter entre Le Roy, son corps et ses actions chorégraphiques. Elle s’introduit aussi dans un espace qui s’ouvre, entre la pièce et sa représentation.
Le corps créant et occupant son propre territoire à l’intérieur de la pièce, celle-ci ne s’incarne plus, mais s’auto-commente, dans une sorte de making of de Self Unfinished, qui se transforme comme Le Roy transforme son corps tout au long de son solo. On aimerait autant revoir Self Unfinished dans son état de départ, transmis à un jeune danseur, pour pouvoir mesurer la beauté de l’œuvre du temps sur ce solo et toute la richesse du chemin parcouru.
Thomas Hahn
Spectacle vu le 18 juin 2018, au CN D, dans le cadre de Camping
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