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Yves-Noël Genod "Un petit peu de Zelda"
Yves-Noël Genod a ouvert le festival Les Inaccoutumés à La Ménagerie de Verre, dirigée depuis 30 ans par Marie-Thérèse Allier, avec Un petit peu de Zelda.
Sous cette dénomination modeste, qui évoque irrésistiblement un titre du cinéaste Jean-Luc Godard, se cache une œuvre à la fois fragile et belle. Fragile parce qu’elle ne tient qu’a un fil et belle pour la même raison.
Ça commence par un noir un peu long après avoir entendu Causerie, magnifique poème issu des Fleurs du mal, de Baudelaire que démarre cette pièce étrange où surnagent des personnages venus d’on ne sait trop où. D’une autre pièce ? D’un film en train de se réaliser ailleurs ? En tout cas qui surgissent et s’assemblent. Il y a Zelda, du nom de la femme de l’écrivain F. Scott Fitzgerald (Kate Moran), Frida Kahlo (Perle Palombe), Pessoa (Joao Costa Espinho)… et des paraboles ou stéréotypes Le chevalier (Louis Laurain), La danse (Stephen Thompson), Le Russe (Boris Grzeszczak), La Rom (Diane Regneault), Le Lépreux (May Maketa), Les Poèmes (Yves-Noël Genod) et quelques enfants, sans oublier les deux chanteurs à savoir, le contre-ténor Bertrand Dazin et la soprano Jeanne Monteilhet absolument sublimes dans leur interprétation du Stabat Mater de Pergolese a capella.
Tout ce petit peuple fait irruption, s’absente, jette quelque strophe d’un poème inachevé, s’installe contre un mur avec élégance, comme Kate Moran nonchalante dans un smoking noir ouvert sur sa peau nue. Les gestes empruntent à toutes sortes de codes, de la mode, de la rue, et même du passé. Le tout est un spectacle typique d’Yves-Noël Genod, doux, inachevé, évoluant dans un espace où le vide est ménagé, sinon aménagé, où le temps semble s’alentir et laisser place à la voix, au souffle, aux sensations.
L’ensemble est ponctué par l’installation lumineuse de Philippe Gladieux, qui sculpte d’éclats de blancheur ce garage bas de plafond qu’est la salle de la Ménagerie de Verre avec un dispositif de vingt-quatre projecteurs posés au sol.
Il rôde dans ce spectacle du « presque rien » comme le suggère le titre mais aussi un « je-ne-sais-quoi » (merci Jankelevitch) séduisant et sensuel qui nimbe la pièce, comme un parfum, une allure, un mouvement qui s’esquisse à peine dans la lumière.
Joli cadeau pour les trente ans de la Ménagerie de Verre.
« Ce spectacle est un ajout au projet 1er avril qui sera présenté du 1er au 12 avril 2014 aux Théâtre des Bouffes du Nord » précise Yves Noël Genod.
Agnès Izrine
La Ménagerie de Verre 12 au 14 novembre 2013-11-29
Les spectacles du Festival Les Inaccoutumés se poursuivent jusqu'au 7 décembre 2013
On ne résiste pas à citer Baudelaire, Les Fleurs du mal.
Causerie
Vous êtes un beau ciel d'automne, clair et rose!
Mais la tristesse en moi monte comme la mer,
Et laisse, en refluant, sur ma lèvre morose
Le souvenir cuisant de son limon amer.
— Ta main se glisse en vain sur mon sein qui se pâme;
Ce qu'elle cherche, amie, est un lieu saccagé
Par la griffe et la dent féroce de la femme.
Ne cherchez plus mon coeur; les bêtes l'ont mangé.
Mon coeur est un palais flétri par la cohue;
On s'y soûle, on s'y tue, on s'y prend aux cheveux!
— Un parfum nage autour de votre gorge nue!...
Ô Beauté, dur fléau des âmes, tu le veux!
Avec tes yeux de feu, brillants comme des fêtes,
Calcine ces lambeaux qu'ont épargnés les bêtes!
— Charles Baudelaire
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