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Printemps au CN D

Un mois de programmation très fureteuse, mettant en exergue des figures fort diverses de l'interprète en danse.

Il fut un temps où la programmation du Centre national de la danse (Pantin, banlieue parisienne) était foisonnante, touche-à-tout, assez peu lisible, et sans principe distinct du tout venant des salles de spectacle. La chose s'est considérablement resserrée, depuis que Mathilde Monnier dirige l'établissement et a confié à Aymar Crosnier le soin de penser cette programmation.

Pensée, elle l'est, autour de propositions moins nombreuses, plus exploratoires et articulées sur un thème en recherche. D'aucuns déplorent une optique stylistique possiblement excluante, puisant à une galaxie affinitaire. D'autres se réjouissent qu'il y ait du questionnement véritable, de l'étonnement stimulant, à se mettre derrière les yeux. Voire les oreilles.

Ces dernières vont d'ailleurs se tendre, alors que le cycle de programmation de printemps veut agiter le thème de l'interprète en danse. Mais voilà qui s'aborde dans les marges et les transversalités, et pas que dans les monuments (qui n'y sont pas oubliés, on va le voir). Marges et transversalités s'articulent notablement dans deux séquences bien peu habituelles. L'écoute sonore y a à… voir, et donc entendre.

L'une s'ouvre dès ce week-end, en faisant toute place à des chanteurs et musiciens explorateurs au point d'engager voix et corps aux confins de pratiques qu'il serait absurde de refuser de considérer dans leur possible lien avec la danse. Ou avec une idée de la danse. Cette idée s'ouvre en grand, autour de Volmir Cordeiro, dont la dernière pièce, cosignée par Marcela Santander, s'attachait au motif du visage dans l'art chorégraphique. Dans le visage, il y a bouche, et il y a phonation.

On ne reverra pas cette pièce précisément, mais bien l'exposition de films et documents d'histoire de la danse, qui l'accompagnait, sous l'intitulé L'oeil, la bouche et le reste. Cette curiosité culmine dans une Nuit des visages,intégralement originale, ce samedi 10 mars, où s'annoncent des figures aussi frappées que Isabela Santana, Claudia Triozzi, Jérôme Marin, ou Ana Rita Teodoro.

Toute une série de performances musicales se déclinent autour de cela, avec le guitariste d'extraction rock Julien Desprez, le rappeur KillASon, le beatboxer Arp Tark, et le team électronique queer Kill the DJ. Curieux, ne surtout pas s'abstenir. Notons que des ateliers ouvertes et partagés occuperont toute la journée du samedi et du dimanche.

Autre rareté, avec une semaine complète de conférences d'artistes, données tous les soirs du mardi 13 mars au jeudi 22 mars à 19h (hors week-end et lundi). Le programme est extrêmement divers, international. Mais entendons-nous. Il ne s'agit pas d'artistes venant aimablement discourir sur leur travail. Il s'agit d'artistes, volontiers issus de la performance, qui conçoivent la conférence comme un geste artistique en soi. Leur parole est geste. Pour les avoir déjà appréciés dans le genre, on conseillera particulièrement Christodoulos Panayiotou, Esther Ferrer, Antoine Defoort.

Enfin, de manière plus "classique", plusieurs spectacles s'égrèneront dans le mois, faisant place à quelques monuments de l'interprération d'eux.lles-mêmes : Carolyn Carlson reprenant des soli aussi irremplaçables que Density 21.5Immersion ou Mandala. 

Au même programme : Catherine Diverres éternernelle avec O Senseï. L'étranglement du temps est une notion peu courante, aux effets intrigants et magnifiques, qu'appliquent par ailleurs Boris Charmatz et Emmanuelle Huynh à leur interprétation du célèbre duo que composait pour eux Odile Duboc, parmi ses Trois boléros.

Dans ces parages de mémoire mêlée d'actualisation – soit le sel de l'acte d'interpréter – l'événement se nouera autour de la personnalité de Mark Tompkins. Celui-ci est invité à reprendre ses célébrissimes Hommages.

C'est une rareté, qui ponctue une lecture singulière de l'histoire de la danse. Mais surtout, il crée une nouvelle pièce, Stayin Alive, dont le titre suffit à suggérer énormément d'attente, à propos de l'artiste vieillissant, de l'Institution qui le fait sentir non sans vieillir autant, et du corps en vie, toujours en vie, obstiné à dire.

Au fait, nous commencions cet article en parlant de voix. Mark Tompkins danseur sait ce que signifie de manier la sienne.

Gérard Mayen

Au CN D Jusqu'au 6 avril 2018

Soirées d'ouverture : 10 et 11 mars

Programmation détaillée 

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