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Entretien avec Tomeo Vergés
Les 25 et 26 février au CDCN Atelier de Paris, Tomeo Vergés crée Primal, une pièce pour quatre danseurs, un musicien et une mystérieuse matière noire.
Danser Canal Historique : Le titre de votre nouvelle création, Primal, nous renvoie à un état non-technologique, proche d’un ressenti immédiat. Votre cycle sur le mouvement séquentiel et le cinéma est terminé ?
Tomeo Vergés : Pas de façon hermétique. Ce sont des sources qui restent présentes et rebondissent après, par d’autres chemins. Pour Primal, notre point de commencement est un cri sourd qui n’arrive pas à s’exprimer vraiment. Il pourrait s’agir d’une peur intérieure, d’un souvenir, d’un état de violence ou de l’état du monde. Le fait est que ce cri est là. Et nous partons à la recherche de sa source pour pouvoir laisser partir ce cri. Sur scène nous jouons avec un matériau noir qui porte la symbolique de cette zone profonde, une zone de turbulences, sur les glaces ou sous la terre, une zone de l’enfance ou de nos rêves, où se déroule la bataille pour faire sortir ce cri enfoui.
Vous voulez nous parler de ce monde où on ne peut plus que hurler ?
Tomeo Vergés : Non. Par contre, je pense qu’il serait bien s’il existait des lieux, des temples où les gens puissent aller pour crier, pour exprimer ce qu’ils ressentent. Actuellement, par exemple pour moi, à Barcelone, le seul moment où on peut vraiment s’autoriser à crier, c’est quand le FC Barcelone joue un match et qu’il marque un but. Alors tout le monde crie « gooooool », et je crie aussi, juste pour profiter de l’occasion.
DCH : Vous vous référez au texte Paysage sous surveillance, de Heiner Müller, dont le titre original est Description d’un tableau. Face à ces descriptions de visions apocalyptiques, baroques et macabres on peut effectivement imaginer beaucoup de cris, de plaisir ou d’épouvante…
Tomeo Vergés : Nous n’allons pas crier sur scène ! La pièce est un cri, et nous allons tenter de savoir de quel matériau ce cri est fait. Le texte de Heiner Müller est l’un de nos points de départ, comme également Les Oiseaux de Hitchcock. Ce que nous avons retenu de Paysage sous surveillance, c’est l’énergie de l’écriture, avec un véritable exorcisme à la fin. Pour nous cette pièce est un voyage presque shamanique.
DCH : Si vous ne criez pas sur scène, quel travail allez-vous faire sur l’univers sonore créé par Denis Mariotte ?
Tomeo Vergés : L’espace sonore est très important, en effet. Il vient des interprètes et de leurs tentatives de crier, de tous ces cris avortés, de leurs gémissements jusqu’au relâchement final. Denis Mariotte les pousse vers là, car il est aussi un personnage, et même assez provocateur par son travail sur la voix ! (il rit)
DCH : Et la matière noire que vous manipulez ?
Tomeo Vergés : Nous sommes dans une sorte d’espace mental. Cet espace c’est la glace, la terre et nous fouillons en son intérieur. Mais cette matière noire, c’est aussi les algues. La mer aussi est présente. Cette matière est contraignante, elle est lourde. Elle ne permet aucune danse stylisée, par exemple. C’est plutôt brut, surtout dans la première partie. Dans la deuxième partie, la danse est plutôt minimaliste et après, les cadences deviennent de plus en plus shamaniques, aspirant à l’exorcisation finale.
Propos recueillis par Thomas Hahn
CDCN, Atelier de Paris les 25 et 26 janvier 2018
Théâtre de l'ONDE les 1er et 2 février 2018