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Akaji Maro/Dairakudakan : « Paradise »

Avec sa dernière création, le fondateur de Dairakudakan livre une grande messe extatique au potentiel d’une pièce culte. 

Le paradis est un enfer comme les autres, semble vouloir dire Akaji Maro. Dantesque, baroque et élisabéthaine, la pièce réunit une vingtaine de danseurs autour du maître. Terrifiant et risible à la fois, Maro règne sur un troupeau de créatures qui lui sont suffisamment dévouées pour le mettre en chaînes ou le libérer. Mais une révolte semble gronder en sourdine, sans trop agacer le magicien déchu.

Butô diabolique

La grimace grotesque du maître est illuminée par une robe verte, suggérant un corps fraîchement arraché aux thalles de lichen. On sait la capacité du butô à franchir les barrières entre l’humain et le végétal et à transcender le masculin et le féminin. Dans Paradise , Maro ajoute des parties génitales caricaturalement enflées et des corps en cordages, évoquant le shibari, version japonaise du bondage.

Ce butô-là est franchement baroque, trash et diabolique à la fois, mais aussi festif, façon techno sur des compositions de Jeff Mills, illustrant la liaison artistique entre le pionnier de la techno qui travaille à Detroit et le pionnier du butô qu’est Maro, grand amateur des cabarets. Tout est mis en scène au second degré, dans une grandiloquence qui prend racine dans la perruque ébouriffée du chef, étoile fixe autour de laquelle s’organise un ballet mécanique, festif, frivole, macabre et érotique.

Galerie photo © Hiroyuko KawashimaJeff Mills

Le paradis, pardi !

Pour Maro, le « para » de « paradis » ressemble à s’y méprendre au « para » dans « paranoïa ». Tout y est donc farouche en son Paradise, mais jamais à prendre au premier degré, tout comme le nom de la compagnie elle-même qui signifie « le grand vaisseau du chameau ». Cette « danse des ténèbres » s’habille en carnaval de Venise pour livrer un pastiche de la culture underground internationale. Si Paradise était une œuvre cinématographique, le film deviendrait culte comme The Rocky Horror Picture Show, avec le public participant au spectacle, costumes et accessoires à l’appui.

Mais nous ne sommes pas au cinéma. Par contre, il n’est pas interdit de penser que Maro ironise également sur son rapport aux danseurs de la compagnie, devant endosser un rôle de roi-soleil qu’il déjoue par tous les moyens, y inclus son humour dévastateur, dont il a encore fait preuve à l’occasion d’un « bord de plateau » à la Maison de la Musique de Nanterre, dans une discussion après la représentation de Crazy Camel, le 15 décembre. Il devrait être de rrtour à Paris avec sa compagnie en 2019.

Thomas Hahn

Spectacle vu le 30 novembre 2017 à la Maison de la Culture du Japon

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