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3 questions à Laurent Berger
Metteur en scène et dramaturge, notamment pour Rodrigo Garcia, il a collaboré avec Andrés Marin à la création de ce D. Quixote hors-norme et a même écrit les textes chantés par La Tremendita.
DCH : Quels sont les axes d’adaptation que vous avez choisi pour ce D. Quixote ?
Laurent Berger : Tout part de la contradiction entre le fait de travailler sur un monument de la littérature espagnole et mondiale, pour aller vers une matière, la danse, le flamenco, qui même si elle est culturellement liée à l’Espagne, ne se prête pas forcément à l’adaptation d’un tel roman. C’est pourquoi nous nous sommes attachés à la modernisation du Don Quichotte et du flamenco, et ce contact réciproque entre cultures anciennes et langage moderne. Il fallait trouver à la fois des matériaux qui permettaient d’exalter le flamenco en le secouant, et faire émerger la modernité de Don Quichotte, qui reste encore, un grand classique. Or, Cervantes a réussi le tour de force de trouver les modèles littéraires de son époque, la fin de la Renaissance, pour faire exploser les systèmes narratifs en utilisant un matériau ancien, les romans de chevalerie médiévaux, en leur appliquant un principe de déconstruction très méthodique pour faire apparaître le récit dans le récit. Le flamenco utilise des outils séculaire pour réinventer une nouvelle tradition, et bien sûr, Don Quichotte a une richesse thématique extraordinaire. On y trouve des éléments très modernes comme le finalité de l’homme, la femme comme idéal, la volonté de lutter contre les lois de sa société, de s’inventer un autre destin.
DCH : Comment utilisez-vous la vidéo dans ce spectacle ?
Laurent Berger : Elle a une fonction esthétique pour chaque moment particulier. Par rapport à la transformation, ou l’hybridation de D. Quixote, la vidéo participe au croisement des niveaux de récit. C’est un autre espace de narration par rapport au présent de la scène. C’était aussi, pour moi, une manière de pousser les limites du flamenco et de le présenter sous une autre forme, médiatiser la danse elle-même pour participer de ce travail d’explosion des conventions qui fait déjà partie du travail d’Andrés.
DCH : Andrés ressemble naturellement à Don Quichotte. Est-ce un piège ou un atout ?
Laurent Berger : C’est un spectacle fort car Andrés c’est Don Quichotte. Reste à produire des images qui lui permettent de raconter ça. On a travaillé sur des éléments clichés de notre époque. D’où le football. Aujourd’hui, c’est le modèle à atteindre, la figure du héros pour 80% des hommes. Et l’Espagne est un pays de foot. Les supporters, les gens à la télé suivent dans leurs corps les exploits des plus grands, avec une capacité d’identification maladive. Et c’est ça que raconte Don Quichotte : tu as beau être vieux et fatigué, l’âme résiste et croit à la puissance de ton destin.
Certes l’identification au foot est triviale, un peu facile, sans doute. Ce qui ne l’est pas, c’est ce qu’on explore musicalement et la recherche sur le mouvement. C’est une réflexion sur ce qu’est le flamenco chorégraphique et musical. Ce travail sur plusieurs plans est aussi caractéristique de l’écriture de Cervantès.
Propos recueillis par Agnès Izrine