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«Dans les pas de Trisha Brown», film de Marie Hélène Rebois
Un film intense et intime sur le travail de Trisha Brown à ne rater sous aucun prétexte. Sortie en salle le 6 septembre 2017
.Réalisatrice française, passionnée par le mouvement et la danse, Marie-Hélène Rebois s’est fait connaître par des films indispensables, notamment sur la transmission des œuvres, tels Histoire d’une transmission, Dominique Bagouet à l’Opéra, Ribatz, Ribatz ou le grain du temps, ou Merce Cunningham, la danse en héritage. On lui doit aussi d’avoir recréé le film de Dance, de Lucinda Childs, avec les danseurs de l’Opéra de Lyon afin de retrouver l’adéquation entre l’image filmée et les danseurs sur scène qui présidaient à la création de cette œuvre. À chaque fois, Marie-Hélène Rebois entre dans l’intimité du travail du danseur, interroge la mémoire des corps, défriche les sentiers, souvent broussailleux, qui mènent à transmettre l’esprit d’une œuvre.
Cette fois, elle se lance Dans les pas de Trisha Brown. Alors que sa pièce Glacial Decoy entre au répertoire du ballet de l’Opéra de Paris, Marie-Hélène Rebois suit le travail de répétition. C’est Lisa Kraus, une complice de longue date de Brown et une danseuse remarquable, ainsi que Carolyn Lucas, qui se font les passeuses de l'œuvre auprès des nouvelles danseuses de l’Opéra. L’approche organique de la transmission de la chorégraphie est passionnante et permet d’appréhender tous les éléments, de la texture des costumes à la scénographie de l’artiste visuel de Robert Rauschenberg, qui forgent l’esprit de cette œuvre créée en 1979. Le film est une plongée dans le travail de cette immense chorégraphe décédée le 18 mars 2017.
Il se trouve que Glacial Decoy est une œuvre charnière. C’est sa première chorégraphie créée pour la scène, elle qui avait l’habitude de s’attaquer aux décors urbains, rues, façades d’immeubles, toits… « Trisha Brown a défié la force de la gravité, sans pourtant s’y opposer. Chez elle la verticalité est remise en cause par tous les moyens, le danseur circule dans un flux continuel autour de son propre axe gravitaire, les corps est décentré. Ce qui donne une ondulation inouïe, une façon d’autoriser le mouvement sans restriction. » fait remarquer Marie-Hélène Rebois.
Le film suit surtout Lisa Kraus, danseuse de Glacial Decoy à la création qui occupe l’image et révèle la gestuelle Brownienne dans ses chemins corporels, dans ses détails.
« C’est moi qui ai choisi de tout axer sur le mouvement nous confie Marie-Hélène Rebois, ce que je voulais, c’est penser cinéma. Embarquer les spectateurs comme s’ils devaient être dans la position des danseurs. » Et effectivement, le film est captivant, au sens propre du terme. On se laisse porter par les explications de Lisa Kraus et la fluidité du mouvement brownien. Pour ce faire, Marie Hélène Rebois choisit de filmer avec une seule caméra. « C’était un vrai pari. Heureusement, j’avais avec moi Hélène Louvart, qui est une chef’op géniale, pour tenir des plans séquences sans le secours d’une deuxième ou d’une troisième caméra. Derrière, il y a un énorme travail de montage car je voulais donner l’impression qu’il n’y a qu’un seul plan. »
Il y a dans ce film les témoignages de Lisa Kraus et Carolyn Lucas, sur l’origine de la gestuelle de Trisha, des extraits d’archives exceptionnelles. A travers ces images d’archives et le geste et la parole de Lisa Kraus, on remonte aux sources du mouvement. « Elles ont une dévotion pour leur chorégraphe impressionnante, émouvante. C’est une vie consacrée à l’œuvre d’une autre et je piste la trace du mouvement du chorégraphe laissée sur leurs corps. C’est un engagement extraordinaire.»
Marie-Hélène Rebois capte dans son film une fragilité, un déséquilibre constant, que traduit aussi le décor fait de diapositives en noir et blanc de Rauschenberg. Une façon de raconter la fragilité de la vie, mais aussi de faire resurgir des souvenirs d’enfance, avec ces paysages agricoles un peu anciens, un peu « rouillés ».
« Au départ, je n’étais pas sûre de vouloir sortir un film. Je ne voulais pas faire une sorte de commémoration ou de rétrospective. Je voulais quelque chose qui corresponde à son corps, à son mouvement. Je pense qu’elle voulait voler. J’ai retrouvé des écrits où Trisha raconte que l’orsqu’elle était enfant, quand elle vivait encore à Aberdeen (Washington DC), les hommes de sa famille partaient à la chasse et l’emmenaient avec eux. Lorsqu’ils atteignaient un oiseau qui tombait, Trisha était chargée de le récupérer. Il était encore vivant, blessé, elle le mettait dans sa chemise et elle le sentait bouger contre son corps… Il essayait de s’envoler mais ne le pouvait pas. Quand je vois la danse de Trisha, quand je vois Glacial Decoy, je reponse à ce souvenir d’enfance, je retrouve cette sensation d’urgence dans le torsions, dans les battements de maain des danseuses et dans la manière dont elles sortent de scène comme des oiseaux. Je ressens cette tentative désespérée de vouloir voler à nouveau. »
Agnès Izrine
Sortie en salles le 6 septembre 2017.