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Décès de Janine Charrat
Janine Charrat, née le 24 juillet 1924 à Grenoble a été une des toutes premières chorégraphes de sa génération. Très ouverte à toutes formes de modernité, elle devient, à la fin de sa carrière, en 1978, conseillère pour la danse au Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou à Paris et fait la part belle aux jeunes créateurs de la balbutiante danse contemporaine française.
Ses œuvres, fruits d’une étonnante imagination, portent les marques d’une forte personnalité et traduisent un vrai tempérament d’artiste. Inspirée, elle signe des chorégrahies d’un style très personnel qui tout en restant empreint d’un langage classique, le dépasse largement. Les thèmes de ses ballets sont inédits et traités avec vigueur, sans complaisance ni facilité.
Enfant, elle avait choisi la danse très jeune, elle est même souvent qualifié « d’enfant prodige ». En effet, elle improvisait depuis l’âge de huit ans, et à 10 ans elle donnait ses premiers récitals et devenait l’élève de Jeanne Ronsay qui l’initia aux danses orientales. Mais c’est avec le rôle de Rose Souris au côté d’Yvette Chauviré dans le film La Mort du cygne de Benoît-Lévy qui la fait connaître en 1936. Âgée de seulement 12 ans, son jeu et sa présence impressionnent.
DANSE documentaire : JANINE CHARRAT L'INSTINCT DE LA DANSE from Luc Riolon on Vimeo.
Elle devient alors l’élève de Madame Egorova et de Madame Préobrajenska et partipe à de nombreux spectacles de danse. Elle devient la protégée de Serge Lifar. Mais c’est en 1941 qu’elle s’impose comme une des artistes les plus audacieuses de son époque. Partenaire de Roland Petit, les deux jeunes danseurs collaborent à de nombreux récitals et forment un couple vedette de la vie chorégraphique d’alors. En 1945, elle crée aux Ballets des Champs-Élysées son premier grand ballet, Jeu de cartes. Sa carrière se déroule ensuite en Europe et sur le continent américain, comme danseuse et chorégraphe invitée.
En 1946 elle est engagée par le Nouveau Ballet de Monte-Carlo où elle retrouve Serge Lifar qui s’y est exilé, et monte pour Yvette Chauviré et elle-même Cressida. En 1947, elle présente Concerto de Prokofiev à l’Opéra-Comique, remonte Jeu de Cartes à Budapest et retrouve Roland Petit comme danseuse et surtout comme chorégraphe. Elle crée en 1948 Thème et Variation, La Femme et son Ombre que Paul Claudel avait écrit en 1922, et Adame Miroir de Jean Genet sur une musique de Darius Milhaud, Allegro puis Herodiade et la Nuit l’année suivante. Elle part ensuite à Berlin et danse ensuite avec le Grand Ballet du Marquis de Cuevas en 1950 avant de rejoindre l’Opéra de Stokholm, puis d’Amsterdam ou la Biennale de Venise.
En 1951, elle réalise une dizaine de courts-métrages pour la télévision américaine avec Benoît-Lévy et crée Les Ballets Janine Charrat (appelés un moment Le Ballet de France). C’est un tournant décisif dans sa carrière. Elle y crée Une étrangère à Paris, Le Massacre des Amazones (1951), Geste pour un génie, La Mécanique, Le colleur d’affiches (1953) et surtout son chef-d’œuvre, Les Algues, en 1955. Elle signe des ballets abstraits, comme les Liens (1957, mus. Semenoff) où elle utilise des lanières élastiques que l'on retrouvera chez Nikolais. Elle privilégie les compositeurs de son temps, et crée en 1973 Offrandes et Hyperprisme d'Edgar Varèse à l'Opéra de Paris.
La troupe effectue de très nombreuses tournées en France et à l’étranger, et monte des ballets pour de grandes compagnies internationales que ce soit La Scala de Milan ou le théâtre Colon de Buenos Aires, mais aussi à l’Opéra de Paris où elle règle la danse du Roi David en 1960. La même année, elle est au Théâtre Royal de La Monnaie à Bruxelles où elle réalise un tragédie-ballet d’un nouveau genre avec Pierre Rhallys Électre. En 1961, elle monte Les Quatres fils Aymon en collaboration avec Maurice Béjart et crée un des plus grands rôles de sa carrière, Anna dans Les Sept péchés capitaux de Maurice Béjart.
Malheureusement, alors qu’elle tourne Les Algues dans un studio de télévision, elle s’approche d’un chandelier et est brûlée à 70%. Elle n’a que 36 ans et se bat pour remonter sur scène. Elle y réussira mais interrompra néanmoins sa carrière plus tôt que prévu. Elle prend de 1962 à 1964, la direction du ballet de l'Opéra de Genève avant de rejoindre le Centre Georges Pompidou de 1978 à 1987 où elle créé Hécube (1982) et Palais des glaces (1987).
Agnès Izrine
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