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L’Odyssée de Périgueux, première «scène conventionnée d’intérêt national»
Pendant Mimos, le nouveau label du Ministère de la Culture fait son entrée côté arts de la scène.
La 35e édition de Mimos a débuté par une ascension funambule et s’est conclue sur des questions autour de l’équilibre budgétaire. Si le festival des arts du geste et sa structure-mère, L’Odyssée, se portent bien, c’est paradoxalement l’ascension au statut de « Scène conventionnée d’intérêt national » (catégorie « Art et création ») qui risque de déséquilibrer l’ensemble. Car l’appellation « d’intérêt national » n’est accompagnée d’aucune référence à des dotations. Seules les obligations de la structure labellisée sont spécifiées et augmentent.
Une convention paradoxale
La convention quadriennale entre L’Odyssée, la ville de Périgueux, la Drac, la Région et le Département a été signée en plein festival Mimos. Pour L’Odyssée, s’ajoutent ainsi à la programmation de la saison et l’organisation du festival Mimos, une dizaine de résidences à offrir à des compagnies en création, chacune générant des frais entre 7.000 et 10.000 €. D’où l’appel de Chantal Achilli, directrice générale de L’Odyssée à une meilleure reconnaissance des arts du geste. Elle en appelle à l’état de « prendre ses responsabilités ».
Mais l’état mise plutôt sur son label pour motiver les collectivités territoriales à ouvrir leurs bourses. Ce qui tombe plutôt mal, à l’heure où le même gouvernement réduit significativement les dotations des mêmes collectivités. Que le maire de Périgueux, Antoine Audi déclare « Quand je vois Mimos, je suis un maire heureux », ce n’est pas le concept d’intérêt national qui lui donnera l’idée d’augmenter la subvention municipale. Il pensera comme la directrice: Que l’État se donne les moyens de ses compliments…
La position du mime
A Périgueux, on travaille cependant à la création d’un centre de ressources consacré aux arts du geste, une nouvelle structure portée par L’Odyssée, devenu en 2013 l’Institut national des Arts du Mime et du Geste, chapeautant de ce fait la création d’une banque de données et de captations, ainsi que la réalisation d’une valise pédagogique pour les écoles. Il s’agit aussi de mettre en place un pôle consacré à l’enseignement des arts du mime pour accroître le rayonnement international du pays qui a vu naître les grandes écoles de cet art, mais ne compte plus aucune école spécialisée.
Car la danse n’est pas seule à exprimer par le corps ce qui ronge les âmes. Les arts du geste, plus proches d’un narratif du réel quotidien, sortent aujourd’hui de l’ombre de la danse et de l’art dramatique. « Il faut mieux définir la position des arts du mime », demande Chantal Achilli, en référence au fait que cette discipline commence tout juste à être prise en compte au sein du Ministère de la Culture.
Toutes « d’intérêt national » ?
Ce ministère, en charge de la culture et de la communication, semble avoir trouvé dans la notion de « national » un nouvel outil de communication. Si la notion de compagnie d’intérêt national, un temps annoncé (en toute discrétion) ne figure pas dans le Décret n° 2017-432 du 28 mars 2017 relatif aux labels et au conventionnement dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques [lien : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2017/3/28/MCCB1628608D/jo/texte ], l'Opéra de Dijon se réjouit par exemple d’être désormais un « Théâtre lyrique d'intérêt national » et les CDC viennent d’être transformés en CDCN, ou « Centres de développement chorégraphique nationaux ». À qui profite l’estime?
Au moins il ne s’agit pas de sélectionner, mais d’une évolution collective. Mais qu’en sera-t-il du côté des Scènes conventionnées, dont le nombre dépasse largement la centaine? Seront-elles toutes déclarées « d’intérêt national »? Y aura-t-il des « gagnants » et des « perdants »? Selon quels critères? Avec quelles conséquences? Où mènera cette « nationalisation » des labels? Ne faudrait-il pas, dans l’intérêt national, monter au front pour définir un intérêt général qui s’élève au-dessus de notions aussi frontalières?
Au-dessus des chiffres, une funambule
Entretemps, le festival Mimos affiche les chiffres de sa 35e édition, avec la vente de 7.600 places (84% de fréquentation) pour le In avec une recette salle en hausse, ainsi qu’entre 70.000 et 75.000 spectateurs (In et Off confondus) en rue, dont au moins 6.000 pour le spectacle d’ouverture, la création in situ de la funambule Johanne Humbert (Cie Les Filles du Renard Pâle) avec le groupe de musique expérimentale Met.H.Ode, un quatuor périgourdin balançant entre Trip-hop et Fusion.
Cette ascension sur le fil était le pari principal du festival, au-delà des chiffres financiers et de fréquentation. Le public, habitué à des inaugurations spectaculaires avec grandes machines visuelles, allait-il se montrer déçu ou même en colère, face à une « simple » traversée en solo, sur un fil, une marche arienne face à la cathédrale Saint-Front? Et puis, rien que de l’enthousiasme, face à la poésie, la sobriété et la beauté humaine de cette méditation funambule, cette danse au-dessus des frontières.
Thomas Hahn
Arrêté du 5 mai 2017 fixant les conditions d’attribution et le cahier des missions et des charges de l’appellation « Scène conventionnée d’intérêt national » :
https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000034679298