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Le retour de Kim Itoh
Peinture, percussion : le retour de Kim Itoh
Les temples de Kyoto sont loin de Paname, en général… Et soudain, tout ce qu’il vous faut c’est un ticket de métro. Les moines du temple Hannô-ji y sont pour quelque chose. Ce sont eux qui ont impulsé cette rencontre entre danse, chant, percussion et peinture, à savourer avec les yeux, les oreilles, les narines et surtout avec l’âme, à la Maison de la Culture du Japon à Paris, jusqu’au 26 novembre.
La surprise du chef, c’est que le danseur n’est autre que Kim Itoh, l’une des figures de proue de la danse contemporaine, voire « post-butô » du Japon, dans une sorte de retour sur scène très éphémère, après une dizaine d’années d’absence sur les plateaux de l’Europe. Et si cette cérémonie en faveur de la paix et de l’harmonie ne change pas le monde, elle transforme au moins le théâtre de la MCJP en temple 2.0. Avec le plateau entouré du public sur deux côtés, avec à gauche une installation de gongs et de grosses caisses d’orchestre, et au fond une toile de dix mètres pour le live painting, la configuration rappelle aussi le théâtre Nô. Débarrassée des gradins et du rapport frontal, le théâtre de la MCJP se présente tel un écrin spirituel dont on découvre enfin les boiseries chaleureuses et la générosité des volumes.
Et pourtant, la devise de cette soirée 3D, le « Dancing Drumming Drawing », ne reflète qu’une partie du spectacle. Car il y aussi le chant des moines, l’odeur de l’encens et cette cinquième dimension qui se tisse quand Minoru Hirata, le peintre, ne cesse d’absorber l’énergie de Kim Itoh, quand le geste du fusain, du pinceau ou du spray devient danse alors que Itoh semble contempler le dessin imaginaire qu’il vient d’imprimer dans l’espace. Et Kumiko Katô, avec son attirail musical, entre en dialogue avec les deux et avec le temps, quand elle traverse le plateau ou le paysage fait d’instruments de percussion qui l’entoure.
Inspiré du danseur, le peintre fait surgir des samouraïs, les façonne à la manière d’un dessinateur de mangas pour ensuite les transformer en street art. Lequel évoque ici les dessins d’un Ernest Pignon-Ernest… Au final, tout se joue dans la courbe qui relie le Big Bang à l’époque du graff, alors que la musicienne ne cesse d’arpenter ce champ de forces qui se tend entre les moines assis devant leurs tambours et la fresque murale qui surgit sous leurs yeux.
Quand Itoh quitte le plateau pour laisser Katô bâtir d’incroyables paysages sonores, toujours en dialogue avec le geste pictural, on se dit que la poésie du plateau nu prend tout son sens. Et quand Itoh revient pour une série de roulades au sol, on s’en prend à regretter que la puissance du vide se fasse dévorer par la présence du corps. Car il reste un doute: Sont-ils tous sur la même longueur d’ondes jusqu’au bout?
Mais au moment de la première à la MCJP de Paris, il y avait un nouveau tremblement de terre au Japon. Espérons que la nature veuille bien entendre ce message de purification et de réconciliation, surtout à Fukushima.
Thomas Hahn
« D à Honnô-ji », les 25 et 26 octobre 13, à 20h
Maison de la culture du Japon à Paris http://mcjp.fr/
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