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Libre ZOA

La performance n’est pas un genre, elle est trans ! Elle met le corps en situation de transition, voire de transformation. Faute de se glisser dans un personnage, le performers risque sa propre peau. En clôture du festival ZOA, dirigé par Sabrina Weldman, Stéphanie Lupo l’a pertinemment démontré. Dans la salle de La Loge, elle a évoqué ces origines aujourd’hui oubliées de l’acta artistique unique et non reproductible. Les champs de force dans lesquels la performance s’est révélée au monde de l’art étaient encore directement liés à Auschwitz et au cri de « Plus jamais ça ! ». Arts plastiques, vidéo ou chorégraphique faisaient l’amour et pas la guerre, sauf aux animaux. Parfois le sang coulait, celui des bêtes égorgées, mais aussi celui des performers. On situe aujourd’hui un Jan Fabre dans cette lignée. Lupo pointe ce besoin de l’époque d’interroger l’humain face à l’impensable horreur dans une référence au rite.

Stéphanie Lupo "Je veux parler de la jeunesse qui tombe"

Le poids des  millions d’humains gazés ou canardés produisait une nostalgie d’une communauté pratiquent des rites, explique Lupo dans sa conférence « Aux origines de la performance comme forme d’art contestataire et rebelle ». Ayant mené une recherche approfondie sur l’époque où tout l’Occident était une zone artistiquement occupée, Lupo serait bien placée pour expliquer tout ceci aux magistrats qui auront à juger, en décembre prochain, Steven Cohen pour sa promenade en compagnie d’un coq sur le Parvis des Droits de l’Homme. Pas inutile de replacer les choses dans leur contexte…

Klimackova

Et c’est vrai aussi pour les performances créées au cours du festival. Attachée à une longe corde et pourtant libre comme l’air, la chorégraphe Eva Klimackova traverse la scène dans une combinaison dorée, qu’elle soit d’origine spatiale ou utérine. Ce petit corps, caché dans un habit un brin surdimensionné et à connotation masculine, voilà qui  met subtilement les genres en tension. Jusqu’à ce qu’elle se dévoile tel un modèle, une athlète ou un soldat, c’est selon. Des images les plus cosmiques et archaïques au plus futuristes et glamoureuses, Klimackova traverse et fusionne les archétypes dans la plus grande simplicité en s’amusant de tous les registres kitsch comme en les saluant de puis un nuage. Move/au féminin est une révélation.

Chabot

Clyde Chabot était bien partie pour faire pareil dans Insurrections…  où la présence de six acteurs-danseurs cherche à trouver la dimension intime des trois manifestes politiques, dont « L’insurrection qui vient » du Comité Invisible et le « Manifeste » des Pussy Riot. La mise en jeu des corps entre le politique et le poétique montre à quel point les deux dimensions ont perdu l’habitude de se parler. Une lune de miel au début, et puis l’incompréhension qui vient… Mais il s’agit là du début d’un dialogue nécessaire, pas de sa fin et donc d’un work in progress à suivre.

Clyde Chabot et André Eric Letourneau dans "Insurrections"
Clyde Chabot et André Eric Letourneau dans "Insurrections"

El Khatib

Ou bien prenez Mohamed El Khatib qui crée Corps de ballet  avec Mme Corinne Dadat, laquelle ne sort pas d’un spectacle des Deschiens, mais bel et bien de la ville de Bourges où elle occupe la fonction de femme de ménage au lycée Sainte-Marie. Et c’est bien le sujet de Corps de ballet, à savoir comment elle va se transformer totalement tout en restant résolument elle-même. Caustique et inébranlable dans son autodérision, elle raconte sa condition et sa vie, fut-ce dans une vidéo tournée dans les toilettes. Elle ramasse aussi des ordures et passe le Kärcher. C’est nécessaire car elle vide aussi des seaux d’eau, en les passant en cercle, autour de sa tête, d’élégance toute professionnelle. Elle raconte aussi son rapport à la danse, qui passe par Le Lac des Cygnes. Un classique ! A ses côtés, la jeune circassienne lilloise Mélanie Moloff incarne, dans une autre idée du décalage, ce rêve éthérique. Avec un clin d’œil au métier de la quinquagénaire, on peut affirmer qu’il s’agit ici de la version la plus « ramassée » jamais vue du Lac. Odette, la blonde, face à Odile en noir, et un aspirateur jaune dans le rôle de Rothbart, faisant littéralement disparaître le lac des cygnes, dans une aspiration laconique. Et dire que ce Corps de ballet n’était que le premier jet d’un grand solo à venir, et déjà ô combien avisé  dans le geste !

Madame Dadat, dans "Corps de ballet"

Thomas Hahn

Festival ZOA (Zone d’occupation artistique) à La Loge, du 7 au 13 octobre 2013

www.lalogeparis.fr

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