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Entretien avec Mié Coquempot

En attaquant L’Art de la fugue, de Bach, avec dix interprètes d’une justesse pétillante, Mié Coquempot signe un opus chorégraphique d’une vivacité épatante. La pièce a ouvert la nouvelle édition du Festival June Events le 1er juin.

Danser Canal Historique : Pourquoi ce titre ?

Mié Coquempot : L’Art de la fugue, est pour moi un nom évocateur. C’est une forme musicale rigoureuse et une échappée. La pièce donne à entendre l'intégralité de la fugue BMW 1080, œuvre ultime de Jean-Sébastien Bach. Pour moi, elle est d’une formidable ambition. Mais c’est un monument architectural sublime qui n’aurait pas de toit, puisqu’elle est inachevée. On peut penser que Jean-Sebastien Bach a voulu la laisser ouverte à tous les possibles. S’il avait été au bout, peut-être aurait-il atteint ses limites, et ce n’est acceptable pour aucun artiste. Mais je pense surtout qu’il y a une dimension philanthropique, en voulant léguer cette partition pour laquelle aucun instrument n’est spécifié.
 

DCH : Comment s’est axée votre recherche ?

Mié Coquempot : Sur les modes de penser du XVIIIe siècle, très rattachés à l’Eglise, très binaires, dans leur façon de concevoir la vie. Pour moi, c’est un écho à l’actualité. J’ai voulu l’entendre comme un appel à une utopie possible, entre une accélération obligée due à la croissance et une décélération souhaitée pour la qualité de vie et pour l’environnement. Il faut dire que le compositeur fut aussi le témoin des grands bouleversements intellectuels, artistiques, sociaux de l’entrée dans la modernité occidentale à l’aube des Lumières.
 

DCH : Quel en est le propos ?

Mié Coquempot : Avec cette pièce, j’avais l’envie de révéler l’ordre structurel, rigoureux et organisé tout en dégageant la poésie et quelque chose de sensible et vivant. Ce que Bach a prévu dans sa musique. Elle opère une jonction entre l’ordre et le chaos humain, et porte nos questions sur la mort, sur l’amour, sur la solidarité et la fraternité. Une partie de cette œuvre m’échappe encore et j’en suis heureuse. L'équipe la porte avec une vitalité, une joie incroyable. J’avais prémédité d’explorer des registres, des langages très différents et communs à chacun comme dans toute œuvre chorale. Chacun déploie une identité très forte.

DCH : Votre costumier, La Bourrette, est présent sur le plateau… Pourquoi ?

Mié Coquempot : Nous nous sommes beaucoup amusé avec les costumes, au point de mettre La Bourette, notre costumier, sur le plateau. On a visité des musées, des boutiques de mode ensemble. Il est très professionnel, très ouvert, à l’écoute. Il n’hésite pas à donner de son temps. Il a réussi à tramer des éléments d’époque XVIIIe et notre contemporanéité, avec une excentricité qui existait à l’époque mais qu’il a déplacée dans le monde rock ou underground d’aujourd’hui. Je suis toujours étonnée d’ailleurs que Bach ait produit une œuvre aussi rigoureuse dans une période aussi baroque, où les personnes avaient l’air déguisée en permanence avec des perruques, de la poudre… Il travaille beaucoup sur le corps et sur le personnage qu’il habille, et du coup, il est resté au plateau. Ça déséquilibre et dans ce déséquilibre surgit l’humanité, il électrise quelque chose.

Agnès Izrine

Festival June Events jusqu'au 17 juin 2017

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