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« Rocco » d’Emio Greco et Pieter C. Scholten
La pièce créée il y a bientôt 6 ans, est entrée récemment au répertoire du Ballet national de Marseille, dont le tandem a pris la direction en 2014. Elle a fait partie de la programmation de la dernière édition du Festival Extradanse.
L’atmosphère est d’emblée posée. Un ring et des spectateurs qui s’installent tout autour.
Une ambiance embrumée, bruyante et surchauffée, on est pile au moment où le match va pouvoir commencer.
Match chorégraphique, divisé, comme il se doit, en rounds, Rocco, qui tire son nom d’une évocation (plutôt lointaine) du film de Luchino Visconti Rocco et ses frères, sublime admirablement l’univers et la gestuelle de la boxe.
Deux hommes à la tête de Mickey, vêtus de noir, entre le rat d’hôtel et le graff de Banksy commencent le 1er round…
2ème, 3ème, 4ème round, les danseurs s'affrontent tout d’abord en duos, pour terminer dans un imaginatif round à quatre, le tout entrecoupé d’un entracte humoristique, genre « caramels, bonbons et chocolat », chanté (forcément) par Dalida.
Rocco raconte la relation, le lien dans toute sa force et son ambivalence. Le lien entre frères, entre amis, amants ou adversaires, là où les sentiments, antagonistes et complexes, de la rivalité à la sensualité en passant par l’attirance ou la trahison, s’entremêlent et coexistent. Et pour se faire, Rocco fouille, utilise et magnifie toute la gestuelle de la boxe : feintes, esquives, crochets, sautillements, changements d’appuis, saisies, blocages, parades.
Corps à corps, torse contre torse, peau contre peau, un full contact hyper chorégraphié, où l’on retrouve maîtrise, coordination, équilibre et grâce, (La devise de Mohammed Ali commençait par « Vole comme un papillon …»*), interprété par quatre danseurs aux qualités remarquables, Denis Bruno, Alejandro Alvarez-Longuines, Vito Giotta, Angel Martinez-Fernandez. Tout quatre d’une grande précision, et d’une impressionnante physicalité accentuée par des lumières qui sculptent leurs corps à l’extrême.
S’y mêlent un jeu de jambes étonnamment fluide et nerveux à la fois, des fentes, des extensions du buste, des ronds de jambes véloces. Des mouvements ondulatoires en boucle, d’époustouflants tours vrillés, le corps toujours vertical. Sur ce ring, pas de corps allongés donc pas de KO.
Galerie photo © Thierry Hauswald
Scholten et Greco jouent d’agilité pour manier et réinventer les images et le vocabulaire de cet univers ultra codifié (Greco avait parait-il un père boxeur…). Extraverti, parfois outrancier, théâtral, leur Rocco échappe à l’anecdote, ou à un quelconque décalquage pour l’emporter de manière efficace par la puissance de sa danse et de ses interprètes masculins… Car il existe une version féminine…
Marjolaine Zurfluh
Vu le 11 mai 2017 au Festival Extradanse - Pole-Sud CDC, Strasbourg
* « vole comme un papillon, pique comme l'abeille, oh, et vas-y cogne mon gars, cogne ! »
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