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June Events #11 : Chorégraphier la vie

En 2017, June Events grandit encore et s’étend jusqu’au Panthéon : 25 compagnies, 40 rendez-vous, 16 lieux et d’autres news…

Commençons donc par le faire-part : Un « heureux événement » s’annonce pour la nouvelle édition du festival June Events: Le CDC Atelier de Paris accouche de son nouveau studio de danse ! Niché entre les arbres, il a été réalisé par l’architecte Xavier Fabre. Les 120 m2 n’accueillent pas de spectacle, mais à partir de la rentrée, des compagnies y seront en résidence. Pendant le festival, le public pourra découvrir ce nouveau nid pour artistes chorégraphiques.

Et ce n’est pas la seule nouveauté de ce mois de juin à La Cartoucherie. June Events trouve de nouveaux partenaires et points de chute. Pourquoi le festival resterait-il confiné dans le XIIe arrondissement de Paris ? En dehors de partenaires de longue date que sont le Théâtre de l’Aquarium et le Théâtre du Soleil, le festival est accueilli au Palais de la Porte Dorée, au BAL, au Théâtre Paris-Villette et au Centquatre-Paris.

Les sœurs Belaza au Panthéon

La cerise sur le gâteau: Nacera Belaza présente La Procession / Solo(s) au Panthéon, grâce à la coopération  entre June Events et Monuments en Mouvement. Deux solos, l’un interprété par Nacera, l’autre par sa sœur Dalila ainsi qu’une exploration du Panthéon réunissant les deux chorégraphes, un groupe d’amateurs et le public, une formule née au MUCEM de Marseille [notre critique].

Ainsi va June Events en ajoutant de nouvelles couches à son tissage tout en complexifiant sa structure, par exemple en renforçant les présentations de travaux en cours : Le 6 à 7 présente, entre 18h et 19h, de nouvelles recherches de chorégraphes accompagnés par le CDC au cours de la saison à venir. L’entrée y est libre (sur réservation) et les artistes de cette édition sont Yasmine Hugonnet, Ondine Cloez et Nina Santez qui présentent et évoquent leurs créations prévues pour 2018.

Structures, formes et beauté

On fait bien arriver tôt pour ce genre de découvertes comme le montre Pavane[Miniature et Miroir] d’Aurélie Berland, dont la jeune chorégraphe a présenté l’an dernier une première approche très prometteuse. C’est ce retour sur La Pavane du Maure de José Limon qui ouvre le festival en 2017.

Pavane…  participe d’un volet important de cette édition de June Events, à savoir une approche de la composition chorégraphique qui plonge profondément dans les secrets d’une partition, gestuelle ou musicale. Aussi, la soirée d’ouverture se poursuit avec 1080 - Art de la Fugue de Mié Coquempot  où dix danseurs prêtent leur corps à la rigueur formelle de Bach, tout en détournant parfois de façon carnavalesque cette leçon de poésie formelle.

For Claude Shannon de Liz Santoro et Pierre Godard atteint tous les sommets de la formalisation d’une recherche spatiale et gestuelle. Artiste associée au CDC, Santoro reprend sa création présentée en 2016 pour les dix ans de June Events. A son opposé, Nacera Belaza présente Sur le fil, un quatuor où la recherche formelle sur le geste est indissociable des sphères les plus enfouies de l’esprit humain, où la répétition inlassable est synonyme d’ouverture et d’ailleurs. [notre critique]. 

Chorégraphier le vécu

Mais c’est le réel qui prend le dessus. Le deuil, l’exil, le geste ouvrier et les danses traditionnelles qui font partie du quotidien, un journal intime, les traces que l’amour laisse dans les corps (Nos amours de Julie Nioche)…

Mithkal Alzghair a remporté le concours Danse Elargie en 2016 avec sa pièce Déplacement. A partir du Dabke, la danse traditionnelle qui avait agité son enfance dans un village de montagne, il y donne à voir comment la situation dramatique dans sa Syrie natale (même s’il vient d’une région non touchée par la guerre) résonne dans un esprit et un corps, même quand celui-ci vit en Europe et trouve des manières chorégraphique de s’exprimer. Alzghaïr, aujourd’hui indésirable dans le pays d’Assad, est passé par la formation ex.e.r.ce à Montpellier. Déplacement s’est imposé à travers l’Europe grâce à sa lucidité formelle et sa distanciation lumineusement raisonnée, où se confrontent les racines et la reconstruction de soi quand on est à la fois en exil et la possibilité de se construire comme artiste. June Events présente les deux versions de Déplacement : Le solo et le trio.

Les (autres) créations 2017

Pour continuer dans cette intrusion du réel sur les plateaux, voici Ali Chahrour, Libanais et donc voisin d’Alzghair. Dans May he rise and smell the fragrance, il réunit un danseur (lui-même), deux musiciens et une actrice pour revenir sur les rituels de deuil du monde arabe. 

Daniel Larrieu n’a pas froid aux yeux. Avec Littéral, il crée un sextuor nourri d’extraits de son journal intime - histoire de saluer ses « soixante balais » de façon littérale, en dépoussiérant l’idée même de bilan de vie. Soixante ans, dont trente-cinq à créer des spectacles, voilà qui mérite chacun des clins d’œil, chacune des facéties où cinq jeunes interprètent sont finalement balayés par ce Larrieu qui se mue en résistant face au jeunisme ambiant. Tous les balais (y en a-t-il vraiment 60 ?) suspendus en l’air à travers cet espace de vie, seraient-ils des balais de sorcier ?

Alexandre Roccoli présente Weaver-Quintet et Longing, un quintet et un solo, nourris des gestes des tisserands qui se confrontent à d’autres réalités: Danses rituelles du sud de l’Italie, la perte de la mémoire due à la maladie d’Alzheimer, danses de possession et transes noctambules…

Manuel Roque vient de Montréal et est a dansé pour Marie Chouinard et Paul-André Fortier. Dans Bang Bang il se jette à corps perdu dans une sorte d’auto-bataille, où l’épuisement fait jaillir une double vérité, celle de l’instant vécu et l’autre, accumulation des vérités de tous les instants antérieurs, depuis sa naissance.

Ajoutons à ceci le tout nouveau Mix d’Herman Diephuis pour la chanteuse lyrique Dalila Khatir, l’extraordinaire Betty Tchomanga et Marvin Clech, ex-B-Boy passé danseur universel et androgyne.

Et bien sûr ces June Events ont encore beaucoup d’autres choses à offrir, comme le focus sur La Zampa, présents avec B&B et Opium [lire notre critique], pour une occasion quasiment unique de rencontrer cette compagnie singulière à Paris.

Ou bien cette approche particulièrement plasticienne dans une scénographie d’argile : … de là-bas, de Romain Bertet, un solo de danse comme un dialogue avec la terre, toujours au bord de l’abîme et de la disparition.

Et chaque samedi soir (il y en a trois) à partir de 22h30, ce sera la fête avec improvisations, concerts et performances.

Thomas Hahn

Junes Events du 1er au 17 juin

Image de preview :  "Les Modulable" - Joanne Leighton © Joanne Leighton

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