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« Moeder » de Peeping Tom
Grotesque, perturbant, Moeder déploie la familière étrangeté propre aux spectacles de Peeping Tom. Une performance hallucinante, explosive et chargée d’émotion. Impressionnant. A voir les 21 et 22 avril à L'Onde.
Chaque spectacle de la compagnie Peeping Tom (Franck Chartier et Gabriela Carrizo) pourrait s’intituler « La condition humaine ». Singulière en diable, la compagnie utilise indifféremment le théâtre, la danse ou la contorsion, et part de personnages ordinaires dans un décor réaliste pour basculer, sans y prendre garde, dans l’invraisemblable, le délire ou le cauchemar.
Moeder (Mère), suite logique de Vader (Père), fait partie d’une trilogie qui se terminera avec Kinderen (Enfants). Signée cette fois par Gabriela Carrizo (Franck Chartier étant l’auteur de Vader), Moeder explore les méandres d’un inconscient de la figure maternelle. Alors que Vader se déroulait dans le huis-clos d’une maison de retraite bien identifiée, Moeder se situe dans un lieu protéiforme malgré un espace scénique hyperréaliste, mais comme passé au crible d’un miroir déformant.
Avec ses murs de béton, sa baie vitrée intérieure fermée par des rideaux gris, ses tableaux sans âme, sa machine à café, et sa plante verte, on se croit au début à un guichet quelconque. Mais derrière la vitre, apparaît bientôt la mère, exposée dans son cercueil. À partir de là, tout vacille, et nous voilà entraînés dans une sorte de vortex d’où surgissent des bribes de rêves, des scènes enfouies, des souvenirs écrans, des images trop réelles pour être vraies ou trop folles pour être fausses. On y trouve des phrases appelées à devenir culte « Il y a dix ans ma mère est morte, et ma première femme il y cinq ans, ma deuxième femme récemment et maintenant, la machine à café ! » Personnage à part entière, elle est « machine désirante » dans cet univers où l’obstétricienne à des bras à rallonge, et la femme de ménage lave un homme nu. La gestuelle est violente, explosive, d’une rapidité à couper le souffle, où d’une drôlerie à mourir.
Galerie photo © Laurent Philippe
Scènes de la vie familiale
Le décor devient un musée familial, un peu pitoyable, où sont exposés les désirs et les peurs de chacun tournant autour du deuil et de la maternité. Les personnages qui traversent cet espace endossent les rôles de mère, gardiens, de femme de ménage, de sage-femme, ou de simples visiteurs. Dans cet univers sans cesse décalé, tout peut arriver. Une sorte de récit sous-jacent tend toute la pièce et parvient à réunir une multiplicité de pistes à suivre comme dans un faisceau de sens. C’est une mise en scène d’un univers mental magistral auquel tout concourt, particulièrement le son, traité souvent en bruitages « live » et utilisé de façon cinématographique. Ainsi de cette première scène où une danseuse se débat sur un sol trempé inexistant.
Tout en allégories, en allusions, Moeder fonctionne par métaphores intrigantes qui, toutes, dissèquent le sentiment maternel à travers des images puissantes ou des visions effrayantes et drôles. Les interprètes sont absolument éblouissants. L’ensemble est d’une intelligence rare, tant par le traitement musical et vocal que par un vocabulaire chorégraphique saisissant.
Agnès Izrine
Vu au Grimaldi Forum, Monaco, le 12 décembre 2016
21 et 22 avril à L’Onde théâtre de Vélizy-Villacoublay.
Les 25 et 26 avril au Grand R de La Roche-sur-Yon,
Les 3 et 4 mai au Théâtre de Caen,
Du 17 au 20 mai au TNT de Toulouse
Les 30 mai et 1er juin à La Rose des Vents de Villeneuve d’Ascq.
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